Une semaine après l’information émanant de Suzuki Motor Corporation de son intention d’arrêter son soutien usine au programme en mondial d’endurance EWC à la fin de cette saison 2022 , Damien Saulnier, le manager du Yoshimura SERT, a bien voulu répondre aux questions d’Autonewsinfo et donc aux multiples interrogations des nombreux fans passionnés par cette écurie très populaire, ultra-performante mais touchée de plein fouet par cette mesure castratrice mais hélas sans appel.´!
Le moins que l’on puisse dire c’est que Suzuki n’a pris aucun gant pour annoncer ce retrait, tout comme celui du Moto GP, il y a quelques semaines, provoquant un véritable état de choc au sein du monde de l’endurance qui pourrait s’en trouver bouleversé dans les mois à venir.
» Nous étions déjà un peu dans l »expectative, depuis l’annonce début Mai de l’arrêt du programme MotoGP, de savoir si l’endurance allait continuer . Dans un premier temps, on nous a dit : tout s’arrête ! Puis dans un second temps, on nous a expliqué que les deux entités MotoGP et endurance étaient difficilement comparables, car d’un côté Suzuki Ecstar était une écurie fortement onéreuse avec beaucoup de personnel (une quarantaine de salariés), beaucoup de courses (20 épreuves dont 8 disputées hors Europe) avec deux motos engagées.
Damien poursuit:
Pour le SERT, nous sommes sur un package quarante fois moins coûteux avec moins de personnes (6 personnes rémunérées et 30 bénévoles) et avec moins de courses (quatre en 2022 : 24 H du Mans, 24 H de Spa, 8H Suzuka et Bol d’or sur le circuit Paul-Ricard). Les feux se sont remis au vert puis entre-temps, ça retournait au orange pour revenir au vert et encore à l’orange et finalement… au rouge!
Avant d’ajouter :
Sylvain Guintoli pilote d’essai en MotoGP et troisième pilote sur la Yoshimura SERT N°1) me disait que l’endurance sera peut-être préservée. Guillaume Vuillardot, directeur des activités marine et motos chez Suzuki France, plaidait un peu la même chose. Nous n’étions pas dans le négatif et puis paf ! La semaine dernière j’ai reçu ce message que l’aventure s’arrêtait ! »
Nous nous en étions fait écho sur Autonewsinfos le 13 Juillet dernier. Et depuis, vous avez de votre côté publié un communiqué Yoshimura SERT Motul ?
Damien Saulnier nous précise :
» Nous avons écrit ce communiqué que nous avons envoyé à Yoshimura au Japon pour validation et il en est ressorti ceci
Damien nous lâche :
» Nous allons déjà allé chercher un second titre dans la dynamique dans laquelle nous sommes en ce moment. Je pense qu’il est plus facile de continuer l’endurance que le MotoGP. Nous allons faire un tour de table des gens susceptibles de continuer à nous donner un coup de main, à commencer par Suzuki France, Motul, la Région … Suzuki arrête le partenariat mais à nous de trouver quelque – chose de nouveau pour continuer l’aventure. J’ai été très clair avec mes pilotes en contrat jusqu’à la fin de l’année : l’idée n’est pas de jeter l’éponge !
Le programme d’endurance ne comprendra pas plus que quatre ou cinq courses encore l’an prochain, car les petites équipes privées ne pourront jamais suivre au delà d’un calendrier plus fourni avec déjà trois épreuves couteuses de 24 heures . »
A ce stade de notre conversation ajoutons le communiqué que nous jugeons, pour notre part, pas des plus » élégants » émis par le promoteur de ce championnat du Monde d’endurance qui émet peu de compassion vis à vis de l’arrêt de l’usine Suzuki et place les privés comme les sauveurs du championnat Seulement sans usine le public se déplacera beaucoup moins sur les circuits qui ont besoin des recettes sur la vente des billets d’entrée .
A croire que le Yoshimura SERT Motul qui a remporté depuis sa création fin 2020 deux victoires aux 24 Heures du Mans (2021 et 2022), le Bol d’or 2021, assorti du titre Mondial, finit par lasser et par diminuer l’intérêt médiatique de l’EWC …
En MotoGP, au lendemain de l’annonce, certes maladroite comme le dira le président de la FIM Jorge Viegas, du retrait de la firme d’Hamamatsu, l’organisateur n’a pas eu plus d’humanité.
Carmelo Ezpeleta, patron de la Dorna, ´clamant haut et fort qu’elle devra payer ce dédit car un contrat avait été signé et qui prévoyait l’implication de l’usine Suzuki jusqu’en 2026!
Suzuki, il faut le dire aussi, en est à son deuxième au-revoir du MotoGP après s’en être éclipsé déjà en 2011, à cause de la crise financière pour revenir en 2015.
Afin de compenser la Dorna, Suzuki a payé depuis « au prix fort « , qui restera secret défense, ce nouveau retrait !
Tout de même ces organisateurs possèdent un tiroir caisse à la place du coeur mais aux naïfs, il n’est pas inutile de rappeler que le milieu du business laisse peu de place pour les sentiments …
DISCOVERY SPORT SALUE LE SOUTIEN CONTINU DE SUZUKI ENVERS LES ÉQUIPES CLIENTES EN EWC
Discovery Sports Events, promoteur du Championnat du Monde dʼEndurance de la FIM, met en évidence son appréciation de la participation de Suzuki Motor Corporation dans lʼEWC et sa satisfaction devant la promesse de poursuivre le soutien aux équipes clientes dans cette compétition.
Suzuki Motor Corporation a confirmé, dans un communiqué de presse publié cette semaine, son objectif de “poursuivre notre soutien envers les activités en compétition de nos clients via notre réseau mondial de distributeurs, tout en “maintenant au maximum nos efforts pour remporter les courses restantes” de la saison 2022.
Lʼorganisation a également confirmé que sa décision de ne pas poursuivre sa participation en tant quʼentité dʼusine officielle est due au “besoin de réattribuer des ressources à dʼautres initiatives liées à la durabilité”.
François Ribeiro, Directeur de Discovery Sports Events, promoteur delʼEWC, déclare :
“Suzuki Motor Corporation est un soutien enthousiaste et de longue date de lʼEWC, participant au championnat pour faire la démonstration de son savoir-faire technique et de ses qualités envers ses clients du monde entier. Si une participation officielle est bienvenue, la réussite de lʼEWC depuis plus de 40 ans doit beaucoup à lʼimplication des écuries privées. Leur soutien et leur investissement continu tient une grande part dans le succès et la longévité du championnat, et cʼest pourquoi nous attendons déjà lʼEWC 2023 avec beaucoup dʼimpatience et dʼexcitation.”
Nous nous attendions à plus de soutien envers ce team , certes restructuré en Juillet 2019, mais iconique de l’endurance moto au moment même où Ducati quitte la scène imitée, selon nos sources, par le Yart Yamaha qui irait voir du côté du Superbike mondial …
Damien Saulnier ne s’avoue pourtant pas désarmé et demeure optimiste :
» En ce moment , il faut être innovant, précurseur, avoir de bonnes idées. C’est peut-être le moment de nous creuser l’esprit et de sortir de notre zone de confort qui n’en n’est pas une pourtant ! »
La semaine prochaine, le 30 Juillet, l’équipe Mancelle du Sarthe Endurance Racing s’envolera pour le Japon rejoindre l’autre équipe technique Yoshimura de Yohé Kato pour y disputer le 7 août, le troisième rendez-vous du championnat du monde d’endurance 2022 : les 8 heures de Suzuka .
Damien revient d’ailleurs sur les essais préliminaires réalisés il y a deux semaines par les teams usine mais où le BMW Motorrad vainqueur des 24 heures de Spa et le SRC kawasaki avaient choisi d’effectuer l’impasse budgétaire d’un couteux aller et retour au Japon.
« Il faudra surtout s’intéresser à la Honda FCC (qui roula en 2’07.449 et la Yoshimura SERT en 2’07.335 à 1sec 10/100 de la Honda HRC, créditée de 2’06.232 et de la Yamaha Yart N°7 en 2’06.662 ). Nous surveillerons en gros les motos du championnat comme la BMW après sa victoire aux 24 h de Spa et les Japonais qui veulent forcément être devant pour gagner mais il faudra garder dans un coin de notre tête l’idée de cumuler des points. Nous faisons tout avec le moteur de course sans savoir ce que les copains ont comme stratégie moteur ? Les chronos qui sont faits en essais nous ne les retrouvons pas forcément en course . »
Après Spa, avec une 4ème place obtenue dans la douleur, le Yoshimura SERT occupe la tête du championnat avec 106 points devant le Honda FCC qui compte 15 points de retard avec 91 points .
Une question nous brule les lèvres au sujet de Gregg Black . Le premier pilote au brassard bleu, Gregg, a été évincé de l’équipage pour disputer les 8 h de Suzuka qui sera composé de Xavier Siméon, Sylvain Guintoli et de Kazuki Watanabé, le pilote habituel d’essai et de réserve du team Yoshimura qui l’engage aussi en Superbike Japonais.
Pourquoi ?
Payerait-il sa boulette de Spa où il chuta au freinage des Combes au petit matin à 07h47 sur une piste grasse et piègeuse où beaucoup partirent à la faute ?
» Non pas du tout, il paraît logique de faire rouler au Japon un Japonais et nous savions depuis très longtemps qu’il en serait ainsi … maintenant pourquoi Gregg plus qu’un autre … »
Damien nous précise encore que c’est le pignon de la 5e vitesse qui cassa à Spa et qui nécessita le changement de la boîte de vitesse à cassette en 24 minutes à 23 h00 alors que la Suzuki menait l’épreuve . Il déclarait en repartant dixieme:
» On n’est pas trop habitué à ce genre d’évènement , bloqué sur un rapport comme le fut Sylvain Guintoli au guidon à ce moment là …ça brouille un peu la donne … »
Et comment ne pas revenir sur le cafouillage de la direction de course lors du second départ de ces 24 heures de Spa interrompues à 10h19 pour nettoyer la piste et alors que la Suzuki N°1 défendait sa troisième place avec une trentaine de secondes d’avance sur la Honda Fcc N°5 ?
Nous avons eu vraiment le sentiment d’une mise en scène médiatique pour disputer les huit dernières minutes de course, au détriment de l’étique du sport et sans respecter les écarts initiaux ?
Damien nous donne son point de vue qu’il ne manqua pas d’affirmer à la direction de course. C’est cela aussi le rôle d’un manager:
» Je n’ai pas compris et ça sera sûrement modifié dans le règlement . J’ai expliqué qu’ils ne se rendaient pas compte que durant toute une course nous nous battions pour jouer les consommations au mini en ayant une minute et vingt secondes d’avance seulement et puis là sur un claquement de doigts ils décident de remettre les motos dans l’ordre du départ . C’est pas ça la course ! Si les deux motos avaient été dans le même Safety Car je comprends qu’elles repartent dans le même SC et les 30 secondes que tu possédaient soient perdues . Mais quand tu as deux motos dans deux SC différents , tu dois repartir dans deux SC ! «
L’avenir du Junior Team LMS Suzuki avec le Lycée polyvalent le Mans Sud qui a eu 25 ans d’existence l’an passé et formé 260 élèves est -il menacé ?
» Je serais tenté de te dire que l’endurance c’est une opération Japonaise alors que le Junior est plutôt une opération Française.,La sélection a été faite avec les nouveaux élèves, les anciens je commence à avoir des propositions de travail pour eux On continue ! »
Dominique Méliand – fondateur du SERT avec le regretté Jean Bernard Peyre – ton père spirituel, comment il voit tout cela ?
» Il est déçu, dégouté. Le boulot, lui, il l’avait fait très correctement pendant toutes ces années, de 1981 à 2019 en remportant avec son équipe du Suzuki Endurance Racing Team plus de 60 victoires dont 15 Bol d’or, 9 succès aux 24 heures du Mans et 15 titres Mondiaux en endurance! Derrière , nous avons instauré un peu de nouveautés avec forcément de la jeunesse et de nouvelles idées. Nous avons restauré un nouveau bâtiment un peu sympa en impliquant de nouvelles personnes... « .
Revenons un peu en arrière pour comprendre cette aventure tant humaine que mécanique que fut le SERT. Dominique Méliand fit perdurer en quelque sorte l’oeuvre inachevée de Jean-Bernard Peyré disparu le 25 Août 1980 qui signa avec Pierre -Etienne Samin la première victoire en endurance de la Suzuki GS1000R aux 1000kms de Zeltweg en 1980. Peyré fin metteur au point disputait depuis 1975 les épreuves d’endurance sur des Kawasaki (écurie JPM puis Cassegrain, Pipart) dont il assurait la préparation dans son petit atelier de Jouy en Josas avec l’aide de copains dont Dominique qui faisait une seconde journée après celle passée à réparer les fuites de gaz à l’EDF.
Peyré fut épaulé au pilotage par Didier Ravel, Denis Boulom, Hervé Moineau, Pierre Soulas, Christian Le Liard et Maurice Maingret qui remportèrent pour Cassegrain les 8h du Nürburgring 1976, des secondes places pour Pipart aux 24 h du Mans et de Spa 1978, le tout managé par Alain Monnot. En 1980, le sérieux compta beaucoup dans le choix de Suzuki Japon qui cherchait et trouva en Jean-Bernard Peyré la petite structure (Promoto) idéale pour faire débuter l’usine en endurance via l’importateur Pierre Bonnet. C’est dans la douleur que la famille de Jean-Bernard décida d’aligner en hommage les deux Suzuki au Bol d’or. L’équipe remporta les deux premières places avec Samin-Gross et Monnin – Green .
Dominique Méliand créa début 81 le SERT jusqu’à sa cession en Juillet 2019 à la S2M Project de Jean-François Simon, bénévole depuis une vingtaine d’année et qui assurait la stratégie de course au sein de l’écurie.
Il renomma habilement cette nouvelle société SERT sous le nom Sarthe Endurance Racing Team car l’ancienne dénomination ne pouvait pas être réutilisée.
Fin 2019, Yoshimura s’est associé au nouveau SERT et Motul . Damien Saulnier a la tête depuis 25 ans du Junior Team Suzuki du Lycée Sud du Mans était désigné manager et se mettait en disponibilité de l’éducation Nationale.
Le neveu de Fujio Yoshimura, Yohé Kato, petit fils du sorcier Pop Yoshimura prenait la direction du Yoshimura SERT Motul.
De nouveaux locaux plus spacieux situés dans le Technoparc du circuit Bugatti du Mans abritent désormais le Yoshimura SERT Motul et le Junior Team qui dispute le championnat de France Superbike, les 24 heures du Mans et le Bol d’or en catégorie Superstock.
La formation pédagogique des élèves (260 depuis 25 ans) continue d’être dispensée au Lycée Polyvalent Le Mans Sud
.
Et » Le Chef » ?
Dominique Méliand observe toujours d’un oeil connaisseur et réagit encore au quart de tour à cette situation qu’il avait connue fin 1983 ! :
» Je serais déjà sauté au Japon depuis longtemps pour essayer d’avoir des points de discussion mais il est toujours difficile d’entendre un NON au Japon … Il y a des opportunités sur lesquelles il faut débattre . Chez Kawa Gilles Stafler arrête car il prend sa retraite sachant que Yoshimura distribue déjà des pièces , le Yart partirait en Superbike . Je vois mal Suzuki France prendre le relai car la voiture n’a plus envie de supporter financièrement la moto. Je ne suis pas certain que Suzuki Japon continue d’ailleurs la moto . Attention c’est moi qui pense cela
Je ne vois pas Suzuki sortir une nouvelle moto en 2023 alors qu’ils arrêtent l’endurance qui est le support de la moto de sport .
Suzuki devait déjà arrêté la moto il y a 5 ans et ils ont continué en faisant du remodelage. Il n’y a plus de gamme moto Suzuki.
C’est un peu bête. Est-ce que Yoshimura a encore besoin de l’endurance pour vendre des pièces dont les commandes diminuent ? »
Damien Saulnier arrivera t-il a inversé le sens du vent comme Dominique Méliand avait réussi à faire changer d’avis les Japonais avec quelquefois des claquements de portes mémoraux ?
L’esprit de la Suzuki Family, cher à Mitsuo Itoh, l’ancien directeur du service compétition décédé en 2019, est désormais passé aux oubliettes…
Les temps ont bien changé depuis l’époque du Continental Circus ou le père de Toshihiro Suzuki préparait à Charade , les repas à l’arrière des camionnettes .
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Yohé Kato et Damien Saulnier ont un terrible défi à relever devant eux mais comme conclut Damien :
» La situation n’a plus rien à voir avec ces années là (sous -entendu celles de Dominique Méliand) Tu ne rebondis plus de la même façon… »
Et l’avenir dans dix ans ? Comment va évoluer la moto en endurance ?
» Je ne vois pas les motos partirent dans des directions électriques quand je vois la complexité d’avoir des autos et des camions électriques . Pour moi , une moto ne peut prendre 30 ou 40 kilos de plus parce qu’il va falloir lui ajouter une batterie et un équipement afin qu’elle soit rechargeable comme une voiture . Je verrais plutôt la moto avec de nouvelles énergies et avec toujours des moteurs à pistons qui entraînent une chaîne et une roue . Comment l’alimenter ? Je pense que c’est là d’où viendra la nouveauté mais je ne vois pas de motos hybrides car on rajoute toujours du poids avec ces systèmes. »
Il est certain que la situation du Yoshimura SERT Motul est compliquée mais le bateau qui essuie une grosse tempête n’est pas coulé pour autant.
Les résultats de Suzuka et du Bol d’or avec la quête éventuel d’un nouveau titre mondial inverseront -ils le fléau de la balance chez Suzuki ?
Sinon… l’herbe est -elle plus verte ailleurs ?
Comme conclurait Gilles Gaignault, le fondateur et rédacteur en chef d’Autoneswinfos , :
» Va savoir Charles? «
Entretien réalisé par Michel PICARD
Photos / Michel PICARD et Thierry COULIBALY
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