Mais qui battra Toyota ?


TOUR D’HORIZON CHEZ LES EQUIPES 2023

Toyota (Premier et deuxième)
Si on avait pu espérer à l’issue des essais que Toyota pourrait être, non point mis en difficulté, mais pour le moins titillée par une autre voiture, dès la fin de la première heure de course, l’affaire était entendue! Les Toyota roulaient un ton au-dessus de leurs rivales en course (en moyenne d’une seconde au tour). Et à ces performances, elles alliaient une stratégie sans faille… Elles ne sont pas tombées dans le panneau du ravitaillement anticipé lors du premier safety car (au contraire de Ferrari), et ont aligné des relais réguliers sans jamais montrer une quelconque nervosité.On avait imaginé, après la saison 2022, durant laquelle l’écurie Française Alpine était parvenu parfois à battre les voitures Japonaises, notamment à Sebring, que leurs performances seraient atteignables par les autres Hypercar.On avait espéré que le fait d’engager pour 2023 une simple version mise à niveau de la GR010 Hybrid limiterait naturellement le potentiel de la voiture.Il n’en est rien et Toyota a démontré à Sebring, une vraie supériorité et la GR010 Hybride, sera c’est une évidence, difficile à battre au cours de cette saison 2023. Sauf si la BOP vient soudainement aider les autres….Ferrari (Troisième et quinzième) :
Les 499 P avaient longuement limé le bitume durant l’hiver – autour des 35.000 kilométres en tests– permettant d’engranger de l’expérience en piste. Mais rien ne vaut la compétition pour aguerrir à la fois les voitures, les pilotes et les équipes techniques.Car si les voitures Italiennes ont démontré une belle performance, la surprise de la pole position le démontrant de belle manière, la course ne fut pas aussi rose pour les rouges !

Cadillac (quatrième)
La course de Cadillac est à l’image de ses prestations en Championnat d’endurance Américain de l’IMSA aux récentes 24 Heures de Daytona, où Cadillac complétait le podium derrière les deux Acura victorieuses et absentes cette année en mondial WEC!Toujours dans le peloton de tête, il lui manque encore un peu de performance, pour viser plus haut qu’une 4ème place en WEC.Elle s’essouffle à poursuivre les Ferrari,et se retrouve à la lutte avec des Porsche pourtant plus en retrait. Malgré tout elle a assuré une course sans erreurs majeures.Elle reste également la première LMDh au classement, avec un châssis acheté dans le commerce comme le veut le règlement, chez Dallara, le très réputé fabricant Italien et une carrosserie et un moteur maison, tandis que l’hybridation est standard.L’ensemble a, assurément fait preuve à Sebring, une nouvelle fois quelques semaines après Daytona d’une belle fiabilité! C’est une certitude!!!Porsche (Cinquième et sixième)
Les Allemands ne nous avaient pas habitué à cela : mettre à la route des voitures certes fiables, mais un cran en dessous de la concurrence en termes de performances!Tout le week-end, à l’image de ce qui s’était produit à Daytona, les Porsche 963alignées par la très prestigieuse structure de Roger Penske… ont couru après les autres!Les pilotes tous très chevronnés et spécialistes des compétitions en endurance, poussant pourtant au maximum comme le prouve l’attitude des voitures en piste…Elle aussi LMDh, donc assemblage d’un châssis du commerce (l’américain Multimatic), d’une carrosserie et d’un moteur usine, l’ensemble semble moins intégré que chez Cadillac et les performances s’en ressentent.Les 963 ont été, elles-aussi, en délicatesse avec leurs pneus arrière en fin de double relais.Vanwall (trentième)
La réputation de constructeur de Colin Kolles soulève régulièrement depuis de nombreuses années des interrogations…Pourtant, la nouvelle Vanwall Vandervell 680, semble bien née et de meilleure facture que les tristes ByKolles vues en LMP1 dans les années précédentes.Deux crans derrière les Toyota et un cran derrière les autres Hypercar, elle se battait volontiers avec la Glickenhaus durant la première partie de la course, ce qui n’est pas si mal pour une voiture artisanale débutante.Un long arrêt au 173ème tour de près de 26 minutes lui fera néanmoins perdre toute chance de terminer devant les LMP2.
Et Peugeot (Trente et unième et Trente deuxième)
On ne voudrait pas tirer sur l’ambulance, mais il faut bien reconnaitre que la prestation des Peugeot 9×8 a été pour le moins… pitoyable ! Un véritable désastre…Carlos Tavares, le grand patron – énorme passionné de sport automobile et qui participe régulièrement à des épreuves en historiques – qui avait effectuéé le déplacement en Floride et donc présent sur le circuit dans le stand Peugeot, va devoir tirer rapidement les leçons de cette contre-performance lamentable.Qu’on en juge : Des performances en retrait (à 3 secondes au tour en course des Toyota), une fiabilité désastreuse, avec pour commencer la N° 94 qui ne prend le départ que des stands après de longues minutes à détecter et fixer des soucis mécaniques, puis en passant 2 heures 51 dans son boxe, et la voiture-sœur, la N° 93 qui elle, perd et concède 40 minutes en deux arrêts, suite à des problèmes de commande de boite de vitesse…S’ajoute à cela des difficultés sérieuses d’organisation, avec comme exemple flagrant… un changement de capot avant (suite à une erreur de Mickkel Jensen percutant une autre Hypercar lors d’un passage en FCY) sur lequel il a fallu … recoller un numéro de course en pleine course! Par manque de capot de réserve visiblement !!!Bref, après trois courses difficiles en 2022, depuis la premières en juillet à Monza, puis de multiples séances d’essais privées, on pouvait franchement oser espérer que la fiabilité serait enfin au rendez-vous pour les 9×8…Hélas il n’en a rien été! On pouvait également espérer que l’utilisation des jokers pour améliorer la voiture allait apporter un surcroit de performances ? Là également ‘rein!Le concept même de la 9×8 est-il à remettre en cause ? Peugeot n’a pas choisi la voie de la facilité… Citons trois point différenciant.D’une part, l’aérodynamique sans aileron, donc faisant confiance au fond plat, au spliter avant et au diffuseur arrière et ce pour générer l’appui nécessaire, solution qu’ils sont seul à avoir adopté.Mais ainsi, ils ne peuvent pas bénéficier de l’aileron pour ajuster la charge en fonction des profiles de circuits.Et pour être efficace, l’effet de sol implique de régler la hauteur de caisse le plus bas possible, ce qui est difficile à Sebring au vu de la piste particulièrement bosselée. Espérons que cela ira mieux sur des circuits « billards » comme Spa ou Monza…Ensuite, en ayant choisi de positionner l’ensemble électrique assurant l’hybridation de la propulsion sur le train avant. Cela devait permettre un fonctionnement en quatre roues motrices et répartir la puissance entre les trains avant et arrière.Or le règlement a évolué en autorisant la mise en route de ces quatre roues motrices qu’au-delà de 150 km/h (au lieu de 120 km/h) !Mais la Toyota et la Ferrari, conçue de la même manière ne semblent pas souffrir d’un manque de performance malgré un seuil de déclanchement porté pour elles à 190 km/h.Enfin, conséquence du point précédent, Peugeot à choisi d’équiper sa voiture des mêmes dimensions de roues à l’avant et à l’arrière, comptant ainsi sur des pneus avant plus large que la normale et subissant des pneus arrière plus étroits, justifiés par les 4 roues motrices.Et précisons tout de même que ce sont les seuls à l’avoir fait… On voit le résultat loin, très loin d’être à la hauteur des espérances !!!Bref, il va vite falloir réagir… Mais au vu de la quantité et de la qualité de la concurrence, ya souci sérieux…
Après l’arrivée, Olivier Jansonnie, directeur technique du Team Peugeot, ne cachait pas sa déception : « En termes de performance pure, nous étions au même niveau que lors des qualifications et cela reflète bien ce qu’il nous a manqué tout le week-end. En termes de fiabilité, les deux problèmes que l’on a rencontrés et qui sont identiques sur les deux voitures sont des problèmes que l’on connait et la solution sera disponible bientôt pour les courses à venir. Les pilotes de leurs côtés ont donné leur maximum et ont poussé la voiture à ses limites. L’équipe a fait des progrès majeurs en général et je suis satisfait de ce côté-là. Nous savions que cela allait être difficile ici, sur ce tracé où nous n’avons pas testé, ce qui était notre choix. Nous allons désormais devoir tout analyser dans le détail et revenir avec un meilleur niveau de performance. » 

PAROLES DE PILOTES
Paul Di Resta (N°93) a confié : « C’était une course difficile et challengeante. Nous avons identifié de nombreux problèmes et où nous étions par rapport à la concurrence. C’est une catégorie très relevée maintenant et nous devons faire face à la réalité, qui ne met pas en lumière tout le travail fourni par l’équipe, que je veux remercier particulièrement. Nous devons continuer de travailler ensemble, et élever notre jeu, faire du mieux que l’on peut. C’est un grand défi de venir ici à Sebring, je sais ce que cela demande de gagner cette course. Maintenant nous devons débriefer, analyser et dans dix jours nous serons de retour pour des tests, puis des courses avant Le Mans. »Gustavo Menezes (N°94) a déclaré, lui : « Je suis bien sur déçu du résultat final qui ne reflète pas tout le travail effectué par l’équipe ces deux dernières semaines, les courtes nuits et les efforts mis dans les voitures. Nous terminons au niveau de performance attendu, mais qui n’est clairement pas assez élevé en vue des 24 Heures du Mans. Nous savons également que nous avons énormément appris. Malgré des problèmes techniques nous avons pu engranger des kilomètres en piste et mettre en lumière les problèmes sur lesquels nous allons travailler en vue des manches européennes. Enfin, je suis tout de même content de ma performance au regard de notre position. J’ai fait deux bons relais et j’ai piloté au meilleur de mes capacités. »
Glickenhaus (abandon)
Une vraie déception pour la Glickenhaus, un peu esseulée avec un seul exemplaire engagé. Comme prévu un peu en retrait en performances par rapport aux nouvelles voitures, elle a aussi péché en fiabilité, ce qui n’était pas habituel.Une panne bien avant la mi-course (moteur ou électricité) a mis fin à une prestation en demi-teinte… pour cette sympathique équipe qui nous avait habitué à mieux, beaucoup mieux ces deux dernières années, avec notamment un podium aux redoutables 24 Heure du Mans !
Alors et la BOP ?
Elle est critiquée par les puristes et elle reste incompréhensible par les spectateurs. La BOP (Balance of Performance) sensée ajuster les performances des voitures pour obtenir plus de spectacle, fait de nouveau couler beaucoup d’encre…Déjà au Mans l’an dernier, l’ajustement des paramètres avait littéralement éliminé l’Alpine de la course.Celle établie pour ces 1000 miles de Sebring, était loin d’être parfaite non plus. Il faudrait que le poids ou la consommation d’essence, soit retouché pour que la Toyota perde une seconde, qu’elle reste identique pour les Ferrari et qu’elle permette à Porsche et à Cadillac de gagner une seconde.Et il faudrait « offrir » trois secondes à Peugeot pour arriver au niveau de la concurrence !Cette BOP, sera revue à l’issue des 1000 miles de Sebring et ajustée pour les trois épreuves suivantes, à savoir Portimao, Spa et Le Mans. Elle ne sera modifiée ensuite qu’après les 24 heures du Mans!Concluons en précisant encore qu’afin de préparer la suite de la saison, l’équipe Française Peugeot sera dans une dizaine de jours en piste sur le circuit Paul Ricard au Castellet pour une session d’essais privés. La prochaine sortie des Peugeot 9X8 en course aura lieu à Portimão en Algarve au sud du Porugal, le 16 avril prochain et ceà l’occasion de la seconde épreuve de ce Mondial WEC 2023. Patrick MARTINOLIPhotos : WEC – TEAMS