Entouré de sa famille, sa mère Catherine, sa femme Véronique et de leurs quatre enfants Coralie Laetitia et Charles et des trois petits-enfants, lors d’une superbe soirée Eric de Seynes a reçu ce mardi 17 décembre 2024, la Légion d’Honneur ‘Evènement qu’il considère comme une étape un encouragement !
Magnifique événement qui s’est déroulé dans les Salons de l’ACF (Automobile Club de France) place de la Concorde à Paris à l’occasion de la cérémonie de ta remise des insignes de la Légion d’honneur par Madame Dominique Sénéquier, Présidente d’Ardian et membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques.
Félicitations encore pour cette décoration tellement méritée, toi qui a brillé partout dans ton parcours professionnel qui t’a mené successivement chez Mobil, à la SEITA, puis chez Chrono Organisation – une boite d’événementiel – qu’avait monté le regretté Jean-Pierre Brunier, où tu suivais le programme sponsoring des Américains de Skoal Bandit pour les 24 Heures du Mans, entre autres. Avant de rejoindre ‘JCO chez Yamaha France, puis d’être nommé à la tête de Yamaha Europe à Amstelven aux Pays-Bas.
Et, coté familial, chez Hermés où tu occupes toujours le poste de président du Conseil de Surveillance d’Hermés International, la prestigieuse maison.
Voici pour ceux qui ne pouvaient assister à cette merveilleuse soirée à l’ACF, le texte du remarquable ‘ speech de l’ami Éric de Seynes
Chère Dominique,
Je voudrais te remercier, pour l’engagement que tu as mis dans cette restitution de mon itinéraire de vie, mais surtout pour la profondeur de tes mots qui m’a réellement touché.
Toi, qui a eu un parcours absolument remarquable en bâtissant un fleuron de la finance tel que Ardian, leader français incontesté du Private Equity sur la scène internationale.
Toi, dont les qualités ont été reconnues par la nation en te faisant Officier de la Légion d’honneur, mais aussi académicienne des sciences morales et politiques.
Tu as accepté avec enthousiasme de bien vouloir me remettre aujourd’hui cette distinction nationale qu’est la légion d’honneur.
Alors Merci du fond du cœur.
Cher Xavier, Cher Axel, Cher Henri-Louis, Cher Fabien, Cher Yann, Chers amis, Chère famille,
Ma chère épouse, mes chers enfants,
Tout d’abord, je voudrais tous, vous remercier d’être là ce soir, autour de moi pour ce moment à la fois solennel et très personnel. Vous avez tous contribué et soutenu mon action à différents moments de ma vie, et pour certains même tout au long de mon existence.
Ce moment si fort, je ne pouvais que le partager avec vous car je vous le dois.
Aucune réalisation, fut-ce t’elle remarquable, ne peut être due à l’action d’un seul homme, mais bien à une action collective où chacun trouve sa place et son rôle. C’est bien ensemble que nous pouvons réaliser des actes qui nous dépassent tous individuellement.
Cette Légion d’honneur me touche par son prestige, mais surtout, car elle vient reconnaitre ma contribution à un certain rayonnement de la France et à une défense de ses intérêts économiques, industriels et sportifs. Elle vient couronner l’engagement d’une vie, autour de valeurs que j’ai toujours défendues et sur lesquelles j’aimerai revenir ce soir.
En premier lieu, cette décoration m’a été attribuée par Madame Catherine Vautrin, en tant que Ministre du travail et des solidarités… et ces deux valeurs me sont chères. Je suis convaincu que par le travail, chacun de nous est capable d’influencer et de générer un progrès qui bénéficie à tous.
Et sans solidarité, le sens de nos vies n’est pas grand-chose.
Ensuite, je crois profondément que personne n’est seul maitre de sa réussite. Nous sommes tous le résultat d’une construction complexe issue de la richesse des échanges que nous avons les uns avec les autres, tout au long de notre vie… Tous ces apports sont essentiels, et il est important d’en avoir conscience, pour conserver une humilité indispensable à la bonne compréhension du monde qui nous entoure.
Dans ma famille, l’héritage moral porté par mes ancêtres a eu un rôle fondamental dans mon apprentissage d’enfant, puis dans les valeurs que j’ai souhaité porter tout au long de mon parcours de vie.
Certains ont été reconnus en leur temps pour leur contribution à l’intérêt général de la France et eux-mêmes décorés de la Légion d’honneur.
J’évoque ici : Eugène Casalis, missionnaire en Afrique du sud au début du XIXème siècle et directement à l’origine de la création du Lesotho, mais aussi Emile Hermès, petit-fils du fondateur, dirigeant visionnaire de la Maison ou encore Maurice de Seynes, pilote de chasse héros du front russe de la seconde mondiale et de l’escadrille Normandie-Niemen, sans oublier Robert et Jean-Louis Dumas sur lesquels je reviendrai dans quelques instants.
Au titre des précieux apports dont j’ai bénéficié, je voudrais d’abord citer mes parents.
Leur complémentarité et leur complicité était une chance pour nous, leurs quatre enfants. Nous avons été élevé dans l’amour et l’affection de notre mère, qui avait une grande capacité de compréhension et de tolérance.
Toujours positive, elle nous encourageait à garder confiance en nous et à savoir regarder le verre à moitié plein.
Papa, lui, veillait à notre éducation, attaché à des principes d’engagement, de travail, de loyauté et d’intégrité. Une fois cela respecté, il devenait un complice touchant, plein d’humour et de simplicité.
Le duo était formidable et a su nous encourager à avancer et à nous réaliser dans nos vies. Merci à eux deux.
Je suis aussi convaincu que mon enfance a été nourrie par nos valeurs chrétiennes et notre éducation protestante. Au-delà des cours du dimanche au temple de Neuilly, je me suis dès l’âge de sept ans engagé dans le scoutisme en étant louveteau, puis éclaireur jusqu’à mes quinze ans.
Ces années ont été riches d’expériences collectives et d’attentions portées aux autres.
Prendre plaisir à effectuer ses Bonnes actions, mais aussi savoir s’orienter au cap, se débrouiller dans la nature avec le trio d’outils indispensables que sont : couteau, papier, ficelle sont des atouts dans la vie que l’on ne mesure pas vraiment à l’adolescence, mais auxquels on se rattache en permanence dans sa vie d’adulte.
Le protestantisme est une religion qui me porte. Je m’y suis toujours senti bien, engagé par ce sens de la responsabilité et d’une grande simplicité dans le lien que chacun peut nourrir avec Dieu.
Je vis un rapport à la foi libre et responsable, donc engageant et inspirant.
J’ose pouvoir dire que mon éducation protestante a été pour moi une boussole éclairante dans tout mon parcours de vie. Et c’est la raison pour laquelle je me suis engagé dans les conseils d’administration de la fondation Eugène Bersier, de Réforme et de Fréquence protestante.
Pour revenir à ces rencontres inspirantes qui ont su me montrer le chemin, Ils sont quatre hommes à avoir marqué mon existence :
Robert Dumas, mon grand-père d’abord.
Fils du pasteur Frédéric Dumas, dixième enfant de la fratrie, il fait partie de cette génération qui connaitra les deux guerres mondiales. Officier à 18 ans, blessé et prisonnier, il s’évade à deux reprises et réalise des guerres exemplaires qui lui vaudront de nombreuses distinctions.
En 1928, il épouse ma grand-mère, Jacqueline Hermès, et intègre rapidement l’entreprise de sa belle-famille, dont il prendra la direction à la suite du décès de son beau-père en 1951. Il a donné sa vie à Hermès et l’a présidée pendant plus de vingt-cinq ans… avec sagesse sur le plan financier, avec attention sur le plan de l’artisanat et de la qualité, et avec créativité sur le plan du style et des produits.
A son décès en 1978, la maison est solide lorsque le flambeau est passé à son fils Jean-Louis.
Pendant 18 ans, j’ai pu partager et recevoir de ce grand-père exceptionnel qui était autant érudit qu’habile de ses mains et possédait un dessin très sûr. En bon fils de pasteur, il était profondément humble et humain, tourné vers le bons sens des choses et porté par une foi chevillée au corps.
A son contact, aucun moment n’était inutile car il était dans la joie et la motivation de la transmission.
Dans nos moments de partages, il me donnait souvent un conseil qui était :
« Éric, tu sais, il faut savoir cultiver ses différences ». Ce propos était un formidable cadeau. Il m’a aidé à construire une sincère confiance en moi, suffisamment solide pour oser et avancer.
Avec le recul des ans, j’ai compris à quel point ce grand-père avait été essentiel dans ma compréhension du sens de la vie, et combien il était à mes yeux, le guide moral de mon existence.
Ce soir, je souhaitais que la mémoire de Robert Dumas soit bien présente avec nous.
Mon père, Pierre de Seynes, profondément attaché aux valeurs de son éducation, mélange de vieille aristocratie et de protestantisme, était aussi capable d’une ouverture d’esprit et d’un sens de l’humour qui pouvait être redoutables.
Professionnellement, il a été, pendant trente ans, l’homme des Parfums Hermès. En 1960, au moment du lancement du parfum Calèche, il se voit confier la direction générale aux côtés de son beau-frère Thierry Dumas.
Suivront de nombreux succès, tant masculins que féminins, et surtout ce métier de parfumeur deviendra un solide contributeur du rayonnement et de la croissance d’Hermès.
Dans mon enfance, j’ai plutôt expérimenté mes relations paternelles sous l’angle de l’éducation et des principes, ce qui n’était pas nécessairement le plus sympathique.
Jusqu’au moment où je me suis intéressé à ses passions qui étaient principalement le jazz et la moto. En ce qui concerne la moto, j’ai poussé l’exercice très loin et petit à petit, nous nous sommes construit une expérience commune qui nous a permis d’enrichir notre relation de façon très forte.
Dans ma vie d’adulte, papa m’a montré un soutien indéfectible. Il comprenait ce que je cherchais à réaliser et il partageait mes ambitions. Il m’a toujours soutenu dans les moments heureux comme dans les moments plus difficiles que peut connaitre tout entrepreneur. Sans son soutien bienveillant, j’aurai sûrement plus douté et n’aurait peut-être pas autant osé. Merci Papa.
A ma naissance, j’ai eu la chance que mes parents me choisisse pour parrain mon oncle Jean-Louis Dumas. Profondément sympathique, ouvert, séducteur, fantasque, toujours prêt à surprendre et à rebondir, il inspirait son entourage en toutes circonstances.
En fait, on ne pouvait qu’aimer Jean-Louis.
Enfant et adolescent, il m’a consacré du temps, ou au moins le temps qu’il pouvait et, tout comme pour papa, je me suis intéressé à certaines de ses passions : le jazz, la photo et Hermès. Grâce à cela, nous avons eus des moments de complicité extrêmement précieux, car il savait me partager certaines de ses réflexions et m’inspirer.
Pour ce qui est de l’entreprise, Jean-Louis aimait être celui qui nourrit l’inspiration, la direction et le sens de chaque développement. Il aimait avoir un temps d’avance sur ses concurrents, ses collaborateurs, son auditoire et captiver ainsi l’attention.
Visionnaire, ouvert au monde, génie de l’instinct et de la communication, il démontrait tous les jours que tout est possible à celui qui entreprend et comprend la portée de ses actes.
Son exemple a toujours été inspirant à mes yeux, et son énergie reste en moi comme un trésor.
Enfin, je veux évoquer mon mentor professionnel de la moto, Jean-Claude Olivier. Autodidacte, issu d’une famille d’entrepreneurs du Nord. Jean- Claude était un compétiteur né, et il a trouvé son épanouissement
professionnel dans le développement d’une marque encore inconnue dans la France des années 60, Yamaha.
A la fin des années 80, j’entre en relation avec lui, en concluant un accord de partenariat entre Mobil et Yamaha. Deux années plus tard, je le rejoins et nous accomplissons ensemble un cycle de 11 années d’une collaboration exigeante et formidablement réussie.
En cinq ans nous gagnons le leadership du marché français, En dix ans, le chiffre d’affaires est triplé, et pourtant je quitte Yamaha pour une parenthèse entrepreneuriale de quelques années, avant de revenir pour reprendre le flambeau qu’il me transmet en 2009 et vous connaissez tous la suite.
Notre relation était à la fois professionnelle et amicale. Exigeante et respectueuse. Ambitieuse et tolérante. Travailler avec Jean-Claude nécessitait d’être toujours au sommet de son implication. Nous partagions les mêmes valeurs, la même énergie dans le travail, le même respect des hommes, même si notre méthode n’était pas toujours la même.
Cette quête toujours insatisfaite de performance, cette recherche d’un leadership reposant sur une totale expertise, tant rationnelle qu’émotionnelle, a été pour moi une inspiration formidable pour assumer les responsabilités qui m’ont ensuite été confiées.
Avec de tels guides, auxquels j’aimerai ajouter mon beau-père Philippe Cointement, au solide parcours d’entrepreneur familial , mais aussi Bernard Consten pilote automobile et ancien président de la Fédération Française du Sport Automobile, Christian Delaporte, entrepreneur émérite à succès, Michel Amiard, philatéliste et sportif de haut niveau, et bien d’autres oncles et tantes, avec lesquels j’ai eu des échanges riches et inspirants!
Mais ce soir, je voudrais partager avec vous les valeurs qui me permettent de croire que j’étais bien aligné avec ceux qui m’avaient si bien inspirés..
1 – Mettre l’humain au centre, au cœur de toute initiative ou de toute décision. L’humain est ce qui fait sens, nourrit un idéal partagé, fédère l’entreprise, crée la vraie valeur du résultat et donne foi dans l’avenir. Quand je dirigeais Yamaha Motor Europe, j’aurai pu me contenter d’animer les 400 collaborateurs du siège, ou plutôt les 2000 salariés du groupe en Europe…Mais j’ai toujours choisi de prendre aussi ma responsabilité vis-à- vis des 25 000 salariés, employés par nos 4 000 concessionnaires exclusifs en Europe.
Comprendre le groupe social qui peut dépendre de vos décisions, en veillant à avoir sur un impact positif sur chacun a toujours été, à mes yeux, ma première responsabilité.
2- Cultiver son expertise et travailler avec engagement. On dit souvent que l’exemple doit venir d’en haut, et j’en suis totalement convaincu.
En permanence, j’ai toujours cherché à nourrir mon expertise. Rester curieux, être attentif aux innovations, et surtout, savoir pousser au maximum l’usage de ses produits, pour être en avance sur l’attente de ses clients les plus exigeants. Grâce à cela, j’ai toujours pu insuffler une vision d’avenir pour l’entreprise, un plan stratégique qui était respecté par les actionnaires et partagé par tous les collaborateurs.
Mais l’exemplarité doit aussi être irréprochable sur l’engagement au travail, sur son implication, sa présence sur tous les terrains et l’exigence portée à résoudre chaque problème jusqu’à sa clôture.
3- Être entrepreneur et libre. La liberté d’entreprendre, c’est oser imaginer un futur utile à la société, créer une valeur nouvelle. Libérer la performance, c’est savoir écouter toute proposition en cherchant comment la soutenir, ou l’ajuster de façon constructive, afin d’en libérer le maximum d’énergie positive.
Je suis convaincu que stimuler, et encourager, la recherche permanente de performance, plutôt que le simple respect de l’objectif chiffré d’un résultat financier, est la meilleure façon de le dépasser.
L’acte d’entreprendre est une libération, un moteur d’épanouissement, et surtout un marqueur de sens pour un groupe social qui en a toujours besoin.
C’est bien cette intime conviction qui m’a conduit à m’impliquer pour la Fondation Entreprendre que je soutiens depuis plus de dix ans.
4- Accepter et assumer le risque, cela revient à ne pas l’ignorer, savoir l’évaluer et donc le maitriser. C’est la meilleure façon de faire la différence avec ses concurrents, en repoussant plus loin les limites d’un raisonnement convenu et trop raisonnable.
En écho à ce principe, je me suis engagé en compétition, de façon assumée, car au départ d’une course, on est seul face à soi-même, on ne peut pas se protéger derrière un statut, une éducation ou un diplôme.. Tous les concurrents sont là pour affronter les mêmes risques et difficultés. Il n’y a pas mieux pour se remettre en cause, apprendre sur soi-même et se ressourcer en profondeur.
5- Ne jamais faillir en terme d’intégrité et de loyauté. Sans intégrité, vous ne pouvez pas entreprendre avec force, ni nourrir la loyauté de tous. La loyauté crée la confiance, et sans confiance, nous ne sommes rien. J’ai toujours veillé à ce que mes actions ou décisions permettent de solidifier ces deux principes d’intégrité et de loyauté qui sont indispensables pour mobiliser l’action de tous au service des enjeux de l’entreprise.
6- Aimer sa famille. Pour agir dans la vie, nous avons tous besoin d’un soutien indéfectible proche, d’un amour partagé, d’une relation affective sincère. Tout cela est vital et ne peut être apporté que par sa famille, qu’il faut savoir chérir et soutenir.
J’ai eu la chance de naitre dans une famille aimante. Et j’ai eu pu fonder à mon tour, il y a près de quarante-deux ans, ma propre famille grâce à mon épouse, Véronique, avec laquelle nous avons eu quatre enfants formidables, et trois petits-enfants, que nous aimons plus que tout. Sans cette famille si diverse, si solide, si aimante, je sais que je n’aurai pas pu pousser mes engagements aussi loin car je n’aurai pas pu être moi-même.
Pour illustrer ces valeurs qui m’ont permis de cheminer avec enthousiasme et conviction sur mon chemin de vie, j’aimerai partager avec vous quatre réalisations que je crois marquantes de mon parcours :
En 1984, j’ai juste vingt-quatre ans lorsque je créée ma première entreprise dont le concept est de monter des caméras miniaturisées sur des motos et voitures en compétition, pour retransmettre les images en direct. Nous étions les premiers, précurseurs capables d’ouvrir le champ de nouvelles images possibles.
Ce type de retransmission est devenue une évidence, et la Formule 1 l’a adoptée six ans après nos premiers directs télé. Avec le recul, et même si cela n’a pas été une réussite financière, je suis heureux d’avoir ouvert la voie de cette nouvelle façon de retransmettre les Grand Prix.
En 1995, j’ai repris la direction de la division moto de Yamaha en France depuis un an et demi et opéré une profonde transformation de notre réseau de distribution. Le retour de l’équivalence permis auto/ 125 qui se précise est une vraie chance pour démontrer la pertinence de cette mutation récente et arracher le leadership du marché à notre concurrent historique Honda. Je veux saisir cette opportunité, et propose à Jean- Claude Olivier de commander 25 000 motos 125 pour l’année suivante, alors que cette quantité représente le marché total de 1995. Il doute, me responsabilise sur le volume commandé, mais me suit.
Finalement, 1996 sera l’année pivot de Yamaha en France. Le marché croit de 27%, et nous progressons de près du double car nous n’avons aucune rupture de disponibilité. Nous prenons la tête du marché. Entre 1995 et2000, nous triplerons notre chiffre d’affaires et nous ne quitterons plus cette place de N°1 en France pendant 26 années consécutives.
Depuis les années 80, j’ai été impliqué dans le sport moto et j’ai pu côtoyer de nombreux teams et des dizaines, voire des centaines de pilotes. Mais dans cette somme de victoires qui font plaisir et d’échecs qui font grandir, je retiens particulièrement 6 titres de mondiaux qui sont venus récompenser des champions français entre 2014 et 2021, à l’issue d’un cheminement dans lequel j’étais totalement impliqué.
Il s’agit des deux titres de champion du monde d’endurance du team GMT94 de Christophe Guyot, les deux titres mondiaux en Motocross de Romain Febvre et celui de Maxime Renaux, le titre mondial de Lucas Mahias en Supersport 600 et celui de Fabio Quartararo en MotoGP.
A chaque fois, ces parcours victorieux ont été possibles grâce au travail et au talent de ces pilotes, comme de leurs équipes, mais aussi, à la façon dont nous étions alignés sur l’objectif et sur les sacrifices à accepter pour obtenir le titre suprême.
En complément, je ne peux que m’associer aussi au titre mondial de Christian Sarron, en GP 250 1984, tellement nous nous sommes soutenus depuis pour soutenir le sport moto français de haut niveau, avec loyauté et en totale amitié.
Pour terminer, je voudrais souligner la façon dont j’ai pu contribuer à redynamiser et maintenir la présence industrielle de Yamaha en France, alors que les vents étaient contraires.
Lorsque j’ai repris la direction de Yamaha Motor Europe, les directives de mon président au Japon étaient claires : réduire les effectifs de nos usines et les pertes d’exploitation au maximum avant d’envisager une fermeture possible.
Cinq ans plus tard, et malgré de réels progrès, le groupe me demande d’arrêter toutes nos activités industrielles en Europe. Le choc est réel et je décide de m’opposer à cette décision, ne pouvant me résoudre à l’impact social que représenterait la fermeture de nos usines en France et en Italie, mettant au chômage près de 1 000 salariés.
Je demande et obtiens un sursis de deux ans, pour nous donner la chance de vendre notre site de production italien Motori Minarelli, et confirmer la rentabilité positive de notre usine MBK Industrie. Mon collaborateur en charge de la production, Olivier Prevost, s’investit à fond dans un plan de cession de notre usine italienne et multiplie les contacts. En deux ans, et malgré le Covid, nous allons réussir l’impensable et accomplir notre feuille de route.
Aujourd’hui, Motori Minarelli est devenue l’usine principale du constructeur italien Fantic qui a même recruté 100 ouvriers supplémentaires depuis notre cession.
Du côté français, notre usine de St Quentin produit, de façon récurrente, près de 90 000 motos et scooters par an et est devenu le 4 ème producteur en Europe. Nous y avons créé de nouveaux emplois pour atteindre une moyenne de 900 collaborateurs. Nous avons poursuivi nos investissements et mis en œuvre la première ligne de production de moteurs Yamaha pour les vélos électriques en Europe.
Enfin, avec le soutien de la Région des Hauts de France et de Xavier Bertrand, qui, depuis 15 ans, a toujours été un allié précieux et que je remercie chaleureusement, nous avons pu défendre notre ambition industrielle. Nous avons donc réussi notre pari et sauvé ce site en lui assurant un avenir.
A la fin de cette année, le site va confirmer pour la deuxième année consécutive une rentabilité économique solide et depuis le début de l’année 2024, l’usine a été rebaptisée Yamaha Motor Manufacturing Europe, ce qui est tout sauf un détail pour un groupe japonais.
Au moment de conclure, je voudrais partager avec vous deux citations qui concernent Hermès, mais qui éclairent et viennent en écho de ce que j’ai cherché à réaliser tout au long de mon parcours.
La première est d’Emile Hermès, à l’occasion des 100 ans de la maison :
« Aimer son métier, c’est le faire aimer, c’est ce qui permet de rester jeune à l’âge de cent ans.»
La deuxième est de mon cousin Axel Dumas :
« Hermès est une maison. C’est la maison qui nous porte. Aucun de nous ne serait, ce qu’il est sans elle. Si on l’écoute, la maison fait grandir. La tribu Hermès est celle de ceux qui y croient encore, comme Emile Hermès y a cru en son temps. Dans les années 20, il ne restait plus aucun sellier à Paris, à part nous. La vision d’Emile Hermès nous a sauvés, alors qu’ elle n’était pas rationnelle.
Chez Hermès, on croit à l’intelligence de la main et aux savoir-faire. Lors du Covid, tout le monde voulait arrêter. J’ai dit non, au contraire, c’est le moment de briller. On ne peut pas panser le monde, mais on peut essayer d’allumer une petite lumière. Comme le dit l’historien Patrick Boucheron,
Que faire après la peste ? On remet de la beauté dans le monde. »
Ainsi, ces deux citations me parlent, car il reste encore beaucoup à faire, pour parvenir à construire un monde meilleur.
C’est dans cet esprit que j’ai toujours essayé d’avancer, de contribuer, d’encourager et de participer à une dynamique collective, en écoutant chacun avec respect et en étant profondément motivé à donner un sens à mes actions avec une perspective d’avenir.
Ainsi, je reçois ce soir cette Légion d’honneur, cette reconnaissance de la nation, comme une étape, un encouragement à poursuivre ma route, avec vous tous , en conscience et en responsabilité.
Pour terminer, je souhaiterai adresser quelques mots de profonde reconnaissance à mon épouse Véronique, sans qui je n’aurai jamais pu me réaliser comme elle m’a laissé le faire.
Depuis près de 42 ans, elle supporte mon caractère, mon enthousiasme optimiste qui peut être parfois un peu usant, ma superposition d’activités qui est sûrement fatigante pour elle, mon engagement absolu dans mes différentes responsabilités qui m’a conduit à beaucoup à voyager à travers le monde, et à tenir des responsabilités à l’étranger, alors qu’elle devait rester à Paris.
Elle a su s’adapter à mon rythme souvent effréné qu’elle essayait de ralentir pour me protéger de moi-même. Elle a même réussi à accepter mes incartades en compétition moto et automobile qui restaient, je dois l’admettre, souvent non dites entre nous.
Mais, surtout elle a su m’aimer et nous permettre de fonder cette formidable famille que nous sommes avec nos quatre enfants, Coralie, Laetitia, Marine et Charles, notre gendre Michael, nos trois petits fils Emile, Gabriel et Noah.
Alors merci ma Véro, cette Légion d’honneur est aussi la tienne, je t’aime du plus profond de mon cœur et j’espère que tu sais que nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin.
Éric de SEYNES
Photos : AUTONEWSINFO
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