
Nous avons assisté, sous un beau soleil et malgré les prévisions pourtant pessimistes d’orages et d’averses, à la main mise indiscutable de la Honda HRC N°33, du trio Nagashima – Takahashi – Lecuona sur la 43ème épreuve de ces 8 Heures de Suzuka 2022.
Honda propriétaire du circuit, renoue dans son propre jardin avec la victoire qui lui échappait depuis 2014 !

Avec un quatrième succès (2010 -2013 – 2014 et 2022 , Takumi Takahashi rejoint le prestigieux club des cinq pilotes à quatre étoiles : Gardner – Itoh – Van Der Mark – Nakasuga et est en droit de briguer à 33 ans, le 26 Novembre prochain, une cinquième couronne, voir de dépasser le duo Ukawa – Kiyonari forts d’avoir gravi cinq fois la plus haute marche. Et pourquoi pas de devenir l’unique Champion avec 6 couronnes à l’image de Vincent Philippe et de ses 9 Bol d’Or !
A l’arrivée, Takahashi cachait difficilement son émotion et n’arrivait pas à trouver ses mots :
» Je remercie le HRC . je suis très ému . »
Son comparse Nagashima qui vient tout juste de fêter ses 30 ans le 2 Juillet dernier, a démontré aux yeux de tous, une maîtrise totale de la CBR 1000 RR RSP et des pneus Bridgestone, toujours les plus performants à Suzuka.
Auteur du fabuleux nouveau record établi en 2’04.942 en Q1, effaçant celui de Jonathan Rea qui datait de 2018 avec 2’05.168, le souriant Tetsuta (vice champion FIM CEV Moto 2 en 2016) récidivait en course, bouclant le temps de référence avec 2’06.934 et il ne pouvait modestement caché sa joie :
» J’ai pas de mot …je sais tout le travail réalisé par le HRC pour en arriver là … »
Le troisième équipier au brassard rouge, le jeune Espagnol Iker Lacuona, né le 6 janvier 2000, prouve son talent vu durant deux saisons en MotoGP chez KTM en catégorie Moto 3 et reconnu aujourd’hui par Honda :
» Première participation , première victoire . Je remercie mes deux coéquipiers et le HRC . C’est incroyable ! «

La maîtrise des pilotes fut donc exemplaire avec des chronos que personne n’égalait sans aller à la faute mais le HRC fit des prouesses avec ses sept ravitaillements de quinze petites secondes, alors que la concurrence pourtant rodée, y lâchait trois, cinq secondes, voire plus à chaque relai.
Il n’y a pas de secret d’ailleurs dans ce domaine car les trois premiers sont ceux qui sont resté le moins de temps à l’arrêt : 4’53 sec. pour le HRC vainqueur, 5’11 sec pour la Kawasaki N°10 P2 et 5’48 sec. pour la Suzuki N°1.
La confiance du HRC paraissait tellement déconcertante qu’à l’intérieur du box, une seule boîte à outils y trônait en comparaison à la débauche de pièces affichée par les autres écuries!

La recette d’une victoire à Suzuka apparaît donc simple : une mécanique parfaitement réglée et ajustée aux montes pneumatiques, un trio de pilotes rapides et sûrs et un minimum de temps pour ravitailler et changer les gommes !!!

Tous les adversaires du HRC sont tombés sur cette adéquation trop difficile à réaliser cette année. Signe du destin, peut-être, Josh Hook sur la FCC Honda TSR Honda France N°5, réalisa le meilleur départ mettant de côté la terrible angoisse de ne pas connaître l’état de santé de son coéquipier Gino Rea, victime d’une chute terrible aux essais .

Pourquoi aucune nouvelle de son état ? Pourquoi afficher alors par l’organisation ce temps record de 17 minutes entre la prise en charge et le transport par hélicoptère jusqu’à l’hôpital ?
Nous savons tous que Suzuka est le plus fabuleux des tracés mais l’un plus dangereux aussi avec la proximité des rails et l’impossibilité » de pousser les murs « pour y tracer des voies de sécurité.
La Belgique a réussi son pari de remettre à niveau la sécurité du tracé de Spa pour y éviter des drames, donc rien n’est impossible ailleurs !

Au premier passage des 45 partants, Josh Hook précédait Haslam sur la Kawasaki N°10, Takahashi sur la Honda N°33 et Uramoto au guidon de la Honda N°73. Le Yart N°7 pointait à la 22ème place avec 8 secondes de retard.
La raison ? Un démarrage de nouveau laborieux. Lors du second tour, Sakumoto sur la Honda N°17 perdait l’avant dans » Spoon » et venait percutait par l’arrière avec une vitesse folle, la N°73 du pauvre Uramoto auteur d’un départ fabuleux. Les deux motos s’encastraient dans les structures gonflables et 15 longues minutes étaient nécessaires sous Safety Car, à l’évacuation des épaves sur le plateau du camion balai et à la remise en place des protections par les commissaires.

Après 23 minutes et 7 tours sous SC, la course reprenait avec un Gregg Black toujours très prompt à réagir au guidon de sa Suzuki N°1 qui pointait second. Haslam au guidon de sa Kawasaki N°10, prenait le commandement puis le cédait au profit de la Honda N°33 .
Au quinzième tours, Randy De Puniet perdait l’avant à la sortie du virage 9, précédant le tunnel et la Kawasaki N°11 lâchait ainsi sept minutes au stand …
Au bout de deux heures de course, la Honda FCC cinquième avec Di Miglio connaissait un changement de platine de freins et de maître – cylindre arrière. L’intervention pratiquée devant le box durait 3minutes 50 et Hook repartait loin au 19éme rang !
Seules la Honda 33 de tête et la Kawasaki N°10, seconde tournaient en dessous des 2’08 sec.
Au bout de la 3éme heures de course, la Honda N°33 de tête, la Kawasaki N°10 et la Suzuki N°1, étaient dans le même tour .
Le sort s’acharnait sur la Honda FCC N°5 revenue quinzième qui devait observer à 14h41 un passage par la voie des stands car son équipe était pénalisée pour avoir utilisé deux générateurs sur la ligne de départ afin de chauffer les pneus alors que le règlement n’en prévoit qu’un seul !

Jérémy Guarnoni huitième sur la BMW N°37, déclarait :
» Nous sommes en difficultés avec les hautes températures. Nous avons du mal à faire tourner la moto . Nous devons être très prudents. Nous pouvons faire plus d’une heure de relai. Les Dunlop iront mieux avec la baisse des températures ! «
Hélas, après ces paroles, à 15 h 15, la BMW rentrait à la poussette pour ne plus repartir du stand !
Le coordinateur technique Simon Casaer en donnait les raisons :
» Nous avons une fuite au moteur avec une surchauffe. Nous n’avons pas les outils ici pour faire un diagnostic plus précis . Dommage ça se passait pas trop mal et nous pouvions envisager une cinquième ou sixième place … »
A 15h 18 au 100éme tour, Jonathan Rea perdait l’avant de la Kawasaki N°10 mais repartait illico en ayant concédé seulement 28 secondes sans avoir à repasser par la case stand !
Sam Lowes , le coéquipier de Rea déclarait :
» Nous avons perdu du temps avec le SC tout à l’heure et puis je n’étais pas aussi bien que dans mon premier relai. La Honda est très rapide …et à la mi-course nous avons une minute de retard «
Même constat d’impuissance chez Yoshimura Sert, troisième en bagarre avec la Yamaha du Yart . Watanabé déclarait :
» Les températures grimpent . J’ai essayé de suivre les leaders mais j’ai préféré privilégier les points ! «
A 18h30, soit à une heure de la fin, coups de théâtre avec la chute de Marvin Fritz qui, au guidon de la Yart N°7 s’accroche avec la N°74 dans le virage dit de Spoon. Les deux motos s’encastrent dans les protections gonflables et cela nécessite une nouvelle intervention des SC. .
A 18h45, à la nuit tombante, la Yamaha du Yart repartait 7ème après 8’45 sec passées dans le stand à réparer.
La Yoshimura Sert pouvait respirer un peu en espérant cette place sur le podium qui rendrait un peu de baume au cœur de l’équipe bien en galère depuis les forfaits de Xavier Siméon (Covid 19) et de Guintoli (pouce gauche cassé).
A 18H50 et 18H52, la Kawaski N°10 seconde et l’implacable Honda N°33, observent leurs derniers et 7èmes ravitaillements. Haslam et Nagashima reprennent la course en tête séparés par un tour .
Nous observons que le pilote Honda utilise une nouvelle visière fumée qui inquiète avec la tombée de la nuit mais qui s’adapte à la luminosité ambiante.
A moins d’une demie heure du drapeau à damier, la direction de course juge Fritz, le pilote de la Yart N°7, responsable de l’accrochage avec la N°74 et lui implique un Stop & Go .
Dans ce monde de brut, un moment d’émotion se lit sur le visage de Nobuatsu Aoki qui vient de terminer non seulement son dernier relai mais aussi d’achever, à bientôt 51 ans ,le 31 Août, sa brillante carrière de pilote.



Rappelons qu’il débuta ici à Suzuka … en 1990 en Grands Prix et sera pilote de développement chez Suzuki jusqu’à maintenant. Le drapeau à damier s’abat sur la Honda N°33 du HRC qui renoue avec la victoire .
Aoki embrasse la Pit-Lane :
» J’apprécie énormément cette atmosphère . Je remercie le soutien du public pour ma famille « .
Le feu d’artifice peut enflammé le ciel de Suzuka qui a retenu la pluie mais Aoki ne peux retenir une larme dans ce final qui marque aussi la fermeture du grand livre de la compétition pour Suzuki.
Comme un clin d’œil au destin, le Yoshimura Sert va monter avec ses deux pilotes, Black et Watanabé sur la 3ème marche du podium et accroître son avance au classement général provisoire du Championnat du Monde d’endurance EWC, alors que ses adversaires se sont tous pris les pieds dans le tapis de Suzuka .
L’épilogue de ce Championnat sera dantesque et nous avons hâte de suivre tous ces protagonistes au prochain Bol d’Or qui fêtera les 100 ans de sa naissance, les 17 et 18 Septembre sur le circuit Paul Ricard au Castellet.
Texte Michel PICARD
Photos : EWC FIM
