Patrick (Tambay) a rejoint Gilles (Villeneuve), Jules (Bianchi) et tous les autres…

C’est une messe dont on se souviendra longtemps, qu’on soit croyant ou pas. Cette messe du jeudi 15 décembre au matin, en l’église Sainte-Philomène du Cannet, la ville dont Patrick Tambay a longtemps été l’adjoint aux Sports et à la Sécurité routière, au service des jeunes et de tous les autres, après avoir été pilote Ferrari et avoir remporté deux Grands Prix sur les 114 qu’il a disputés, pour la Scuderia, en 1982 à Hockenheim, en 1983 à Imola.
Patrick a été pilote Ferrari, à la demande du Commendatore, bouleversé par la mort tragique de Gilles Villeneuve, à Zolder en mai 1982, donc c’est enveloppé dans un drapeau jaune, portant le célèbre cheval cabré de la Scuderia, que son cercueil est entré dans l’église, et déjà ça posait la cérémonie à venir.
Il pleuvait beaucoup, tout le monde était triste, le ciel était noir, à peu de choses près on se serait cru à Maranello, un jour de deuil en décembre.
Patrick est parti discrètement, le dimanche 4 décembre, à 73 ans, après s’être battu pendant plus de dix ans contre la maladie de Parkinson, avoir servi de cobaye, avoir lutté de toutes ses forces pour repousser l’échéance.
Il est parti là-haut mais il va rester longtemps dans nos mémoires, surtout si on fait des efforts, souvent, pour se montrer aussi bienveillant que Patrick, pour « aimer les autres », a dit le Père Olivier Petit.
« Patrick a beaucoup aimé, à fond la caisse, alors quand on aime autant, des journées de 24 heures nesuffisent pas« , a encore confié ce curé pas comme les autres.
Il s’était renseigné sur la carrière de Patrick Tambay en lisant « sa fiche Wikipédia quiétait très longue », a souri l’homme d’église, et en écoutant les témoignages de ses proches, pour préparer cette cérémonie.
Et les éloges funèbres, tous plus bouleversants les uns que les autres, ont alors évoqué cet homme au physique de star de cinéma, ancien skieur de haut niveau, parti fonder une famille aux Etats-Unis, remporter le championnat Can-Am, deux fois, puis revenu en Europe pour devenir pilote Ferrari suite au décès tragique de son ami Gilles Villeneuve, à Zolder le samedi 8 mai 1982.
Jean-Luc Roy, son complice de 300 Grands Prix commentés sur diverses chaînes de télé et de radio, était arrivé la veille de Floride.
Il a raconté comment le titre mondial de Jacques, filleul de Patrick, avait laissé sans voix son consultant préféré, pendant plus de quinze ans, parce qu’il avait tout fait, en parrain modèle, pour permettre à Jacques de toucher au Graal que son père, fauché en pleine gloire, n’avait jamais atteint.
Les dernières années, Patrick commentait de son petit appartement du Cannet, transformé en studio d’enregistrement, juste au dessus de cette église où on lui a rendu un dernier hommage ce jeudi matin 15 décembre 2022.
ll y avait là, Jacques Laffite, Jean Alesi, Jean-Pierre Jarier, Stéphane Ortelli, Jean-Louis Schlesser, Ari Vatanen, Pierre Lartigue, Thierry Boutsen, Didier Malga, entre autres pilotes de toutes générations, mais aussi Hugues de Chaunac, car Oreca avait fait courir Patrick en Formule 2, puis préparé une Lada pour que Patrick puisse disputer le Rallye de Tunisie avec Vincent Laverne dans le baquet de droite. Et le Paris- Dakar avec Dominique Lemoine au volant d’une Samara.
Il y avait Bruno Bellone, le footballeur, et Louis Acariès, le boxeur. Il y avait aussi Yves Morizot, le patron de Stand 21, qui a déroulé le palmarès de Patrick en sport auto.
Il y avait Bernard Asset, le photographe de F1, et José Valli, auteur d’un pavé de 558 pages, « Patrick Tambay, Pilote etGentleman », exhaustif et passionnant, sur la carrière de Patrick, avec son complice de Classic Courses, Olivier Rogar, qui en a encore quelques exemplaires en stock.
Le sénateur Philippe Tabarot, sous le regard de David Lisnard, le maire de Cannes, et de Charles-Ange Ginesy, le président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, dont Patrick a été un élu actif et impliqué, réélu plusieurs fois, est venu raconter comment son « idole » de jeunesse était devenu « un ami », quand il a accepté, il y a 27 ans, d’entrer en politique et de servir les autres, comme élu de la République, au Cannet.
Il a « fait installer des ordinateurs pour les jeunes du Cannet« , avant tout le monde, et « créé ce qui était probablement le premier cybercafé municipal de France », a souri le sénateur.
Il a aussi « fait venir sa Ferrari de Maranello au Cannet, à ses frais, parce que notre budget était un peu contraint », a-t-il rappelé.
Il y avait Thierry, le frère de Patrick, et la famille américaine de Patrick: sa fille Esti, devenue avocate, son fils Loïc, DJ et musicien.
Née en 1982, Esti a parlé de Deena, cette belle Hawaïenne dont Patrick est tombé fou amoureux, à l’Université de Boulder, dans le Colorado, et qu’il a épousée le 27 septembre 1976, à 27 ans.
Elle est décédée il y a trois ans, presque jour pour jour, avant son « gentleman driver » de papa, a souligné Esti.
Elle a aussi raconté que Tom Selleck, le célèbre acteur américain, était leur voisin aux Etats-Unis et « avait demandé à papa de lui apprendre à conduire sa Ferrari 308 GTS« .
Il y avait aussi Dominique Chesnais, la deuxième épouse et maman d’Adrien, qui a accompagné Patrick pendant toutes ces années de douleurs et de tremblements.
Et à la fin, Adrien a parlé lui aussi, sans notes, sans avoir préparé un speech car « c’était trop compliqué » de réunir ses pensées et ses émotions sur une seule page.
Il a été formidablement émouvant, lui qui s’était un peu éloigné de son père pour « se protéger un peu » des effets de la maladie sur leur relation.
Il vient d’avoir une petite fille, d’être sacré champion du monde FIA en remportant la Coupe du monde des Voitures de Tourisme électriques (ETCR), et donc de perdre, la même année, son père, son mentor, son modèle, son coach, son conseiller particulier pendant toutes ces années où il a gravi les échelons du sport auto.
Et puis, Adrien a parlé de Gilles Villeneuve, bien sûr, mais aussi de son grand ami Jules Bianchi, sous les yeux de Philippe, venu en voisin, de Nice, pour partager la douleur du clan Tambay.
C’était beau à pleurer, alors nous sommes quelques-uns à avoir pleuré, parce que c’est trop triste de voir partir ses héros, de jeunesse ou pas, que ce soit à 25 ans ou à 73 ans.
Puis beaucoup sont allés bénir le cercueil surmonté de cette belle photo de Patrick, beau et souriant, dans le cockpit de sa Ferrari, le jour de sa victoire à Imola.
Et cette belle messe d’adieu a pris fin en musique.
Une messe inoubliable, comme toute la vie de Patrick Tambay, champion et gentleman.
Daniel ORTELLI pour Auto News Info, le 16 décembre 2022
Photos : Jeff THIRY

