Retour sur les 24Heures du Mans d’Ugo de Wilde, le jeune espoir Belge, lequel confiait :
« La semaine la plus folle de ma vie »

Des larmes de tristesse à celles de joie, les 24 heures du jeune Belge de 20 ans – il est né le 20 novembre 2002 à Bruxelles – ont été très intenses. Un véritable ascenseur émotionnel.
Alors revenons sur sa semaine de folie!
Du podium du Castellet où il disputait sur le circuit Paul Ricard, la première manche du Lamborghini Super Trofeo 2023, il y a déjà quinze jours à celui de ses premières 24 Heures du Mans, Ugo de Wilde a démarré sa saison 2023 très tard. Mais cela valait naturellement le coup d’attendre…

Dimanche 4 juin, après être descendu du podium du Castellet où il a décroché le premier accessit en Lamborghini Super Trofeo, Ugo affichait déjà un large sourire :
« L’équipage que je forme avec le jeune Portugais Rodrigo Testa était globalement le plus performant. Sans l’intervention d’une voiture de sécurité annihilant l’avance prise sur le futur vainqueur avant de céder le relais à mon team-mate, nous aurions très certainement remporté la victoire. Partie remise à Francorchamps en lever de rideau des 24H de Spa... »

Pas le temps d’enlever sa combinaison Iron Lynx, Ugo et sa soeur Luna montaient dans le jet privé les attendant en bout de piste au Paul Ricard.
Un baptême pour les jeunes de Wilde…
« Je n’avais pas le choix car je devais être au plus tard au Mans à 14h30 pour boucler mes dix tours obligatoires en tant que débutant lors des essais préliminaires du Mans. Merci aux sponsors qui ont rendu cette grande première possible. J’ai eu droit à mon arrivée à un briefing privé du directeur de course Eduardo Freitas. »
La magie de la nuit
Et dans la foulée, il menait sa mission à bien et obtenait le feu vert pour la course du siècle.

Après deux jours de repos consacrés à divers meetings, photos, séances de dédicaces, interviews et même la remise d’un premier trophée représentant le circuit du Mans, place aux premiers essais libres et à la première séance nocturne.
« 322 km/h dans les Hunaudières entre deux rails à la lueur des phares, c’est l’expérience la plus dingue de ma vie. Je voudrais tellement pouvoir expliquer aux gens le feeling que l’on ressent. Avec les Hypercar qui vous dépassent en faisant jaillir des gerbes d’étincelles quand elles rebondissent sur cette nationale bosselée. Mais c’est tout simplement indescriptible. La sensation de vitesse est décuplée. Un truc de ouf. »

Comme une rock star à la parade

Puis après la qualification et une troisième journée consacrée aux essais, place vendredi à la parade en ville où 160.000 spectateurs l’ont acclamé comme une « rock star ».
« C’est incroyable. On avait l’impression Maxime (Martin), Tom (Van Rompuy) et moi d’être des Diables Rouges fêtant un exploit à la Coupe du Monde, » raconte Ugo. « Les fans criaient nos noms, chantaient, applaudissaient à notre passage. Ils se battaient pour obtenir un bracelet du team ou une carte postale de notre voiture. On est descendus plusieurs fois de notre vieille Citroën décapotable dans laquelle on défilait pour faire des selfies, signer sur des posters, des t-shirts et même la peau de certains supporters. Je n’avais jamais imaginé cela. Durant une petite heure, j’ai eu l’impression de me retrouver dans la peau de Kevin De Bruyne ou Valentino Rossi. »Soutenu par Tom Kristensen et le Palais Royal

Nonuple vainqueur de l’épreuve, le Danois Tom Kristensen dont le nom figurait sur l’arrière de l’Oreca DKR est ensuite venue signer sur l’aileron et leur souhaiter bonne chance.
Puis une autre surprise en provenance du Palais Royal…
« J’avais écrit à son Altesse le roi Philippe pour lui présenter notre projet Racing for Belgium et l’inviter au Mans. Il n’a hélas pas pu y répondre favorablement, mais son colonel m’a téléphoné pour nous encourager de sa part et un courrier nous a confirmé le soutien du Palais. »
Sympa !

Après avoir soulevé un aussi grand élan populaire auprès des fans et des partenaires ayant transformé son rêve en réalité, vous imaginez la détresse d’Ugo quand, à une demi heure du départ, il a vu que son proto refusait de démarrer.
Les mines se sont fermées. Des larmes ont coulé en voyant le peloton partir pour le tour de chauffe sans le proto aux couleurs belges.
Stress et larmes au départ

« C’était le stress total, cela a complètement gâché les 25 minutes avant le départ. On ne savait pas si on allait pouvoir s’élancer. Ma soeur était effondrée. Maxime était casqué dans l’auto et les mécaniciens ont procédé au remplacement du démarreur. Finalement, l’auto a démarré une minute après le reste de la meute dans un tonnerre d’applaudissements de la foule massée dans les gradins. On a pu prendre le départ dernier certes mais en même temps que tout le monde. »

Décalé au niveau de la stratégie après un rapide arrêt pour confirmer sous voiture de sécurité que tout avait été bien réparé, Maxime bien remonté pointait un court instant au deuxième rang provisoire en LMP2. Avant un nouveau coup de théâtre…
1h20 perdue après avoir été tamponné

« A peine remis des émotions du départ, on a soudainement vu notre voiture au ralenti sans aileron dans les Hunaudières, »
Et il précisait :
« Alors qu’il ralentissait pour se mettre à 80 km/h à l’amorce d’une Slow Zone, Max s’est violemment fait percuter à l’arrière par la Glickenhaus du distrait Olivier Pla. Le Français a été lourdement pénalisé pour sa faute et s’est excusé auprès de Maxime, mais de notre côté on a perdu une heure vingt et 14 tours pour réparer les dégâts au niveau du train arrière. »

Tout espoir de bon résultats et de succès en LMP2 Pro-Am étaient envolés après à peine deux heures de course
Ugo enchaînait :« Mais on n’a pas baissé les bras. On pointait au 7eme rang de notre catégorie, mais dès ce moment on n’a plus connu le moindre souci. On s’est juste encore arrêté pour mettre de l’essence, changer de pneumatiques et de pilotes durant 20h30. »
Impressionnant de nuit sous la pluie

De quoi remonter du 55eme au 32eme rang absolu, le troisième en Pro-Am.
« Je me souviendrai toute ma vie de mon premier relais. Vu toutes nos mésaventures, la nuit était déjà tombée. Et alors que j’avais déjà enfilé mon casque, il s’est mis à pleuvoir fort. Vous parlez d’un baptême ! Heureusement, j’avais bien anticipé et révisé mes trajectoires en cas de pluie la veille. Je suis parti au combat. Les conditions étaient extrêmement difficiles. La visibilité était très réduite. A 300 km/h sous la pluie dans la ligne droite des Hunaudières, je sentais que mon proto était à la limite de partir en aquaplaning. C’est là que l’on a vraiment le feeling de pratiquer un sport dangereux. J’évoluais sur un fil. Je voyais de voitures sortir de la piste à gauche et à droite. Je pensais que la course allait être neutralisée, mais il n’en était rien. A un moment, mon ingénieur m’a dit par radio que le rythme était très bon, que je ne devais surtout pas pousser plus. J’espère que certains patrons de gros teams ont observé les chronos jusqu’au dernier du classement..»
A ce moment là, à chaque tour, Ugo était parmi les trois ou quatre plus rapides en LMP2. Seul Tom Blomqvist tournait régulièrement plus vite.

Et tout cela sans mettre une roue de travers, sans un seul bac à sable ou tout droit. Une impressionnante maîtrise totale de son bolide et de ses émotions.
« J’ai roulé un quadruple relai de 3h20 de nuit, puis un second double avec à la fin le lever du soleil. Lors du troisième, on m’a dit d’assurer notre podium. Ce que j’ai fait. »
Crash évité à l’entrée de la pitlane

Tout en évitant de justesse un crash au moment d’achever sa mission.
« Quand je suis rentré pour la dernière fois au stand, le proto de Laurens Horr qui avait crevé à l’arrière gauche s’est juste mis en tête-à-queue devant moi dans l’entrée des stands. J’ai eu une fraction de seconde pour l’éviter dans un grand coup de volant en décollant sur le vibreur pour empêcher un accident qui aurait pu être fatal. Mon dernier gros stress de la semaine. Enfin non. A dix minutes de l’arrivée, le team a fait rentrer la voiture pour permettre à Tom de franchir la ligne d’arrivée. Et au moment de repartir, il a appuyé sur le bouton du starter et rien. Mon sang s’est glacé durant une fraction de seconde. Puis heureusement, au second essai, le moteur s’est mis à hurler et il est parti pour deux tours d’honneur. »

« Je la gagnerai un jour cette course ! »
Le trio belge montait sur la troisième marche du podium en LMP2 Pro-Am devant des dizaines de milliers de spectateurs les acclamant comme des héros.
« Quel ascenseur émotionnel, quelle sensation encore une fois. J’en avais franchement les larmes aux yeux. J’ai dédié mon trophée à mon papa qui s’est démené depuis des mois pour trouver les moyens que je sois au départ. C’est un beau cadeau de fête des pères. Je tiens aussi à remercier toutes les personnes qui m’ont soutenu, d’une manière ou d’une autre, dans ce projet fou. A commencer par Kendy Janclaes et toute la fantastique petite équipe DKR. Mais aussi mes deux équipiers bien sûr avec lesquels on s’est super bien entendus toute la semaine. Sans oublier bien sûr ma soeur Luna toujours aux petits soins avec moi, ma pote Julie, mon coach Benoît et toutes les personnes de la presse qui ont parlé beaucoup de nous durant la semaine la plus folle de ma vie. Même les gens chez qui nous logeons depuis dix ans au Mans m’ont invité pour nous aider. Ils nous ont préparé un spaghetti dimanche soir quand on est revenu avec le plus beau de mes trophées. C’est une grande étape supplémentaire dans ma carrière. Je peux vous promettre que je reviendrai au Mans et que je la gagnerai un jour cette fabuleuse course. On a bien fêté cela avec mes équipiers et l’équipe. Maintenant un peu de repos, de détente avant d’attaquer le prochain rendez-vous du Super Trofeo en lever de rideau des 24H de Spa pour lesquelles je n’ai hélas pas encore de volant. Si une bonne opportunité se crée pour débuter lors de nos 24h dans un bon contexte, je suis dispo. J’y assiste depuis 18 ans, mais je n’y ai étrangement pas encore roulé… Je pense d’ailleurs que parmi les 113 pilotes Belges ayant eu la chance de disputer Le Mans, très peu n’ont jamais disputé les 24H de Francorchamps avant… » Gilles GAIGNAULT Photos/ Georges DECOSTER -Jules BEAUMONT – Jules BENICHOU – Thierry COULIBALY – Stephane CAVOIT – Willy CHANTELOUP
