
Le Top 10 du Mans Classic
Nous vous l’avons promis hier. Nous nous étions engagés à mettre en valeur dix voitures présentes dans les six plateaux de cette édition 2025 du Mans Classic.
En fait, pour faire plus simple, vous en aurez douze à la dizaine (merci, c’est cadeau).
Deux par plateau. Pour nous ce sont des voitures majeures de leur époque. Celles qui ont dominé la concurrence. Celle qui ont participé à la formidable augmentation de la notoriété du constructeur, qui ont impulsé un coup de boost à l’image de marque de l’entreprise victorieuse dans la Sarthe.
C’est un choix subjectif évidemment mais qui représente quand même plus d’un siècle de l’Histoire de l’automobile et de la grande course mancelle.
1923-1939.

L’Alfa Roméo 8C. -Victorieuse au Mans en 1931-1932-1933-1934, elle a permis l’éclosion d’une formidable génération de pilotes parmi lesquels Tazio Nuvolari qui fut et reste l’un des plus populaires pilotes que la péninsule italienne a fourni.
Une participation au Mans, une victoire. Son duel en 1933 avec Luigi Chinetti est resté dans les annales de la course et a participé à la naissance d’une extraordinaire légende, celle construite par les voitures rouges sur le circuit manceau.

La Bentley Sport.- Victoire en 1924-1927-1928-193, la marque britannique est l’exemple même de la construction d’une image de marque extraordinaire. Les brillantes prestations des 3 litres Sport, Super Sport, 4 litres et demi, Speed Six dans les années trente a permis de se hisser au niveau du rival Rolls Royce et de commercialiser les plus belles et plus chères voitures de série.
Véhicules pour milliardaires, elles ont conquis la planète automobile et depuis ces victoires, Bentley est resté synonyme de classe et de performance.
1949-1956

La Cunningham C4R.- Nous avons déjà évoqué dans ces colonnes (Voir lien ) la fantastique aventure de Briggs Cunningham au Mans.
L’Américain fut le premier à oser s’expatrier, avant Jim Hall, avant Jim Chaparral, avant ces armadas yankees que furent Ford, GM avec Corvette et Cadillac ou Chrysler avec Viper plus récemment.
L’impressionnante C4 R avec sa « bouche » énorme fut rapidement la chouchoute du public manceau…
Grâce évidemment à son look très avant-gardiste pour l’époque mais aussi et surtout grâce au fantastique bruit de son gros V8 américain qui hérissait les poils des spectateurs manceaux.
Une splendie quatrième place en 1952 vint préfigurer qu’un jour, les Ricains seraient les rois du Mans.

La 203 Constantin. Évidemment, on peut être surpris de retrouver parmi ces stars une voiture qui somme toute ressemble beaucoup plus à la 203 de tonton Bernard qu’aux bolides hypervitaminés de l’ensemble des plateaux.
Pourtant, cette vénérable vberline est une véritable star parmi les afficionados qui connaissent les 24 Heures comme leur collection complète de ‘’Roule en anciennes’’.
Cette 203 écuma les courses automobiles des années 50 en taillant des croupières aux plus grosses et plus chères qu’elle.
Alors que la voiture du catalogue Peugeot affichait 115 kilomètres/heures en vémax, cette Spéciale Constantin déboulait, elle à plus de 160 km/h, une performance alors fantastique pour une auto de cette catégorie.
Alexis Constantin, un génial mécanicien de Montreuil aux portes de Paris, lui avait en effet ajouté un compresseur de son invention. Il avait simplifié et amélioré les véritables usines à gaz utilisées alors inspirés par l’invention de Léon Creux en 1905.
Constantin fut aussi et surtout, avec Darl’mat le pionnier de l’aventure de Peugeot dans cette épreuve.
Plus tard, les hommes de Sochaux s’investirent totalement sur le circuit manceau avec les succès que l’on connait (905-908).
Avec évidemment, la bénédiction d’Alexandre Constantin.
1957-1961

Ferrari 250 GT SWB . Si la 250 GTO fut sans doute la plus mythique des Ferrari jamais construites, la 250 GT SWB fut incontestablement la GT la plus efficace de sa génération sur le circuit du Mans.
Totalement améliorée par les ingénieurs Carlo Chiti et Giotto Bizzarini, elle fut une extraordinaire machine à gagner dans sa catégorie.
Pendant que les Testa Rossa (TR et TRI) se taillaient la part du lion au scratch, les SWB dominaient une concurrence pourtant vaillante avec des Lister Jaguar mais un peu réduite quant aux autres rivaux.
Pendant trois ans au Mans, elle fut la reine absolue de la catégorie avec les trois victoires dans la catégorie en 1959-1960 et 1961.
C’était en fait une proposition commerciale faite aux passionnés conquis par la victoire des prototypes de la Scuderia qui trouvaient là, au catalogue, une grande partie de l’extraordinaire épopée sur les Hunaudières.

DB HBR5. Beaucoup de passionnés un peu jeunes penserons sans doute que le vieux cuir que je suis perd la boule en montant au pinacle un drôle d’objet automobile.
Pourtant, cette DB au moteur Panhard fut le symbole du renouveau des constructeurs français dans cette épreuve désormais dévolue aux Anglais, Allemands, Américains ou Britanniques.
Les spectateurs français en ces années de disette avaient les yeux de Chimène pour cette petite bleue au son un peu timide dans le récital des V8, V12 des voitures étrangères et bien plus rapides.
Avant même le premier choc pétrolier, les organisateurs du Mans avaient concocté un indice qui faisait la part belle au ration Consommation/performance/distance parcourue.
Plus connu sous l’appellation à l’époque d’Indice de Performance et d’Indice Energétique !
Il fallait peut-être un doctorat en mathématique pour en apprécier les subtilités mais pour nous, petits Français un peu chauvins, il suffisait à notre bonheur puisque les DB faisaient un malheur.
Cet indice de performance devint une spécialité nationale. Il nous permit de patienter jusqu’à l’arrivée au début des années 70 des fantastiques Matra qui trois années durant de 1972 à 1974, allaient tailler des croupières aux Ferrari et même aux Porsche.
Charles Deutsch et René Bonnet avaient dans leur petit atelier de Champigny redonné des couleurs à l’automobile sportive française.
Voilà pourquoi leur création figure dans ce hall of fame.
1962-1965

Ford GT40. Impossible bien entendu de ne pas évoquer cette superproduction américaine devenue vedette de cinéma tant sa silhouette fut évoquée par Hollywood dans le splendide Le Mans 1966 de James Mangold. C’est la Ford MK2 qui en est la vedette mais comment ne pas voir la filiation évidente entre ces Ford originelles puisque à l’usine, on appelait ce projet GT40.
Après les victoires de la MK2 en 1966, lui succéda la magnifique MK IV victorieuse en 1967. Puis ce fut John Wyer qui recueillit après 1967 les lauriers de la gloire du constructeur de Dearborn aux portes de Detroit.
Mais l’Anglais avait un talent fou lui aussi pour bonifier tout produit automobile. Cette GT40 devint la reine incontestée de l’endurance pendant un paquet d’années et il fallut l’arrivée d’un autre immense constructeur de voiture de course, Porsche pour remiser la vénérable Ford GT 40 au rang des gloires du passé.

Ferrari 250 LM. Pas vraiment la plus belle des productions de Maranello. Pas la plus brillante non plus. Elle ne connut pas la gloire insensée de la GTO mais ce fut une très brave voiture de course.
Tellement brave qu’elle sauva la mise en son temps à une usine Ferrari un peu désorienté par l’offensive terrible des voitures d’outre-atlantique qui voulait la peau du Commendatore.
Face aux redoutables Ford en 1965, les Ferrari les plus compétitives sont les deux LM de l’Écurie Spa Francorchamps et celle du NART.
Ce fut la déroute mécanique que l’on connait pour les américaines et un peu avant la nuit, c’était la jaune de la paire Dumay-Gosselin qui menait devant la voiture du NART, celle de l’Autrichien Jochen Rindt et du Yankee Masten Gregory.
Au début de la nuit, petite brume sur Le Mans, Gregory, qui portait des lunettes, est dans la difficulté. Luigi Chinetti décide de faire intervenir le troisième pilote Ed Hugus à la place de Masten.
Jamais son nom n’apparaitra pourtant au palmarès du Mans. Logique puisque son nom ne figurait pas sur cette liste des pilotes inscrits sur cette Ferrari et que le Team-manger omis de le préciser ensuite !
Pour la Ferrari LM, c’était la gloire et aujourd’hui, un modèle se négocie autour de trente millions d’euros. Belle revanche pour une voiture soit-disant mal aimée.
1966-1971.

Porsche 917. Comment ne pas hisser tout en haut du hit-parade manceau la Porsche 917. A ses débuts elle fut la plus violente, la plus puissante, la plus improbable voiture qui ne fut jamais construite.
Certains pilotes payèrent très cher comme le milliardaire britannique John Woolfe qui achète la première voiture client de la marque.
Vingt-cinq exemplaires avaient été fabriqués pour des raisons d’homologation et Zuffenhausen avait largement ouvert son carnet de commande.
Hélas, dès le premier tour de l’édition 1969, John Woolfe sort de la route à Maison Blanche et décède dans l’accident.
Gilles Gaignault me souffle qu’il avait participé John Woolfe aux essais au volant de son habituelle LolaT70 et qu’il avait décidé de prendre le départ avec sa 917 qui venait de lui être livrée dans le paddock du circuit des 24 Heures après les essais officiels.
Sans jamais avoir conduit ce bolide de folie qu’était cette Porsche 917. Résultat il ne boucla même pas un tour complet le malheureux incapable de piloter ce bolide, emporté par sa passion…
Il fallut quelque temps pour que le fauve allemand soit dompter
Seul Vic Elford aima au début piloter cette voiture. Beaucoup de travail plus tard, avec de constantes améliorations la 917 devint un extraordinaire outil pour gagner contre une rude concurrence, celle des Ferrari 512 LM.
Elle devint vedette de cinéma avec le rôle vedette aux côtés de Steeve McQueen pour le monumental film ‘Le Mans, une ode à l’épreuve qui avait séduit l’acteur américain.

Alpine A 220. Héritières des petites cylindrée françaises, les voitures créées par Jean Redelé furent de monumentaux exercices de style. Jamais d’aussi petits moteurs l’allèrent si vite dans les portions rapides du circuit.
Avec un CX d’avion de chasse, les Alpine se mêlèrent aux luttes contre de bien plus grosses qu’elles.
Magnifique dans leur livrée au bleu si caractéristique elles devinrent des petites reines adorées des spectateurs manceaux. Elles remportèrent de nombreuses fois la spécialité française : l’indice de performance avant de prendre du volume et de céder la place à la grande offensive de la Régie Renault au Mans. Et de vaincre avec l’Alpine Renault A 442 en juin 1978 avec l’équipage composé de Didier Pironi et de Jean Pierre Jaussaud
1972-1981

Porsche 935. Encore une Porsche, forcément. Changement de règlement oblige, passage aux silhouettes et aux monstres automobiles. Porsche dispose d’un redoutable engin :
La 930 Turbo qui fournira la base aux 935 tellement bodybuildées que l’une d’entre elle héritera du sympathique sobriquet de Moby Dick, sympa pour un engin normalement agile et léger.
Ce qui évidemment n’était pas le cas de la dernière production de Stuttgart. Peu importe, puissance et efficacité avaient pris le pouvoir chez Porsche et la 935 devint la machine pour gagner. La victoire sous le déluge des frères Whitington en 1979 fut l’un des exploits le plus retentissant de la carrière de la 935.
Pourtant, la vérité est bien moins aguichante que légende mancelle. Les deux Texans trouvaient d’imposants revenus dans le trafic de produits illicites aux USA et se permirent même d’acheter aux frères Kremer le droit de prendre le départ ce cette course en lieu et place du pilote maison Klaus Luswig.
Aujourd’hui, on connait même le montant de cet achat : 290 000 US $ qui dormaient tranquillement dans la caravane des frangins.

Dodge Charger. On peut dire que celle là fit sensation. On se souvient du Monstre de Briggs Cuningham, cette Dodge Charger de Nascar fut plus impressionnante encore.
Suite à un accord entre Bill France, grand ‘ big Boss de la Nascar et l’ACO deux voitures de la série américaine sont invitées au Mans.
Une Ford Torino et une Dodge Charger. Celle-ci sera piloté par un père et son fils : Herschell et Doug McGreff. Un V8 de 7 litres propulse le nouveau monstre à plus de 315 km/h.
« Nous passons les Porsche dans les Hunaudières mais ça se complique avant Mulsanne » regrettait Hershell qui doit commencer à enfoncer la pédale de frein 300 mètres avant Mulsanne.
Avant la course, au briefing les autres pilotes avaient imposé que les américaines soient équipées… de rétroviseurs. Elles en étaient dépourvues.
Ce fut l’indice d’octane européen, 9à, qui eut rapidement raison des moteurs des deux Nascar. La Torino comme la Dodge ne virent même pas la fin de la première heure de course.
Ce n’était que partie remise. Hershell revint au Mans en 2023 pour soutenir la Ford Mustang de Nascar qui connut, elle, un sort bien plus enviable