L’hydrogène est indubitablement l’élément le plus abondant dans l’univers (75% en masse, 92% en nombre d’atomes). Malheureusement, il n’existe pas en tant qu’hydrogène pur, ses atomes sont toujours accolés à d’autres atomes…
Donc, pour obtenir de l’hydrogène pur, il faut « casser » ces molécules complexes, au prix de beaucoup d’énergie et, généralement, d’une forte pollution, principalement du CO2. On obtient alors une molécule d’hydrogène composée de deux atomes, le dihydrogène (H2).
Ce gaz est un carburant idéal : Il peut être brûlé dans un moteur à combustion interne (typiquement, chariots élévateurs en milieux clos) ou associé à de l’oxygène dans une réaction chimique pour produire de l’électricité (pile à combustible). Dans tous les cas les seuls rejets sont de l’eau… Par contre, il est très corrosif.
Si, de par sa légèreté – c’est l’élément le plus léger : 90 mg le litre alors que l’air (en atmosphère standard) pèse 1,2 gr !) – son énergie massique est très forte (1 kg d’hydrogène contient autant d’énergie que 3 kg de pétrole), il faut impérativement massifier son volume pour avoir une quantité d’énergie décente : Compressé à 700 bar, 7 litres équivalent seulement à 1 litre d’essence… Mais une conteneur à 700 bar est une monstrueuse bombe potentielle !
D’ailleurs, les parkings souterrains sont interdits aux véhicules à hydrogène… On peut aussi le liquéfier, dans ce cas, 4 litres d’hydrogène liquide (-253 °C), c’est l’équivalent d’1 litre d’essence, mais l’hydrogène liquide et très dangereux…
En résumé, la production, la compression ou la liquéfaction, ainsi que son transport-distribution, coûte 50% de son l’énergie potentielle. Résultat juste lamentable…
L’utilisation de l’hydrogène comme carburant est juste une hérésie, sauf cas très particuliers et très limités…
Production de l’hydrogène
Depuis toujours, l’hydrogène produit (95%) est issue d’un processus chimique appelé « reformage » (équivalent au « cracking » du pétrole pour en extraire tous ses composants), généralement à partir du méthane (CH4, un atome de carbone lié à 4 atomes d’hydrogène).
Le reformage se fait à haute température et haute pression par action de vapeur d’eau surchauffée, nécessite beaucoup d’énergie et produit énormément de CO2, 1 kg d’hydrogène produit 10 à 15 kg de CO2… Il existe plusieurs variantes de reformage selon les matières premières utilisées (charbon de bois, hydrocarbures, gaz naturel, etc.), mais le principe et la pollution reste semblable et le rendement loin d’être idéal (70 à 80%)…
Pour réduire la pollution, on peut, certes, capter le carbone rejeté, mais comme on ne sait pas le stocker…
Il existe quelques autres moyens pour la production de l’hydrogène, mais ils ne représentent qu’à peine 1% de la production.
L’autre grand procédé est l’électrolyse de l’eau (H2O) : 4% de l’hydrogène produite l’est par ce procédé, 4 à 5 fois plus coûteux que le reformage, mais propre sous certaines conditions. Malheureusement, le rendement est faible (50%) et gourmand en électricité !
Pour produire les 10 millions de tonnes d’hydrogène consommées en Europe, essentiellement pour la production d’ammoniac (CH3) indispensable à la fabrication d’engrais azotés, il faudrait rien moins que près de 90 réacteurs nucléaires, ou 28 000 km² d’éoliennes ou 5 500 km² de panneaux solaires…
Quant à produire de l’électricité avec des centrales thermiques, c’est totalement absurde, bien sûr !
De plus, pour fabriquer le fameux (fumeux ?) hydrogène vert, il faut non seulement (beaucoup) d’électricité, mais aussi énormément d’eau… 1 milliards de m3/an pour 6,5 TWh d’électrolyseur (rendement 60% !), soit la production annuelle d’une centrale nucléaire dédiée. Ce qui représente quand même 3 % du débit moyen de la Seine à Paris en un an…
Et pire, on ne sait pas fabriquer des électrolyseurs de forte puissance ! Et qui plus est, un électrolyseur nécessite une grande quantité de matériaux rares et très polluants…
La production de l’hydrogène est juste une impasse…
Projet européen
L’intégralité des 3.000.000 de camions européen parcourt 175 milliards de km et transporte près de 2 000 milliards de t.km, soit une moyenne de 11 tonnes. Le projet est de transférer 100.000 de ces camions (3%) à la propulsion par hydrogène à l’horizon 2030.
Chaque camion parcourt 160.000 km par an et, en l’état actuel, leur consommation est de 7,5 à 15 kg d’hydrogène au 100 km. Prenons une moyenne de 11 kg, nous obtenons environ 2 millions de tonnes…
En supposant des sites de production rapprochés (100 km) évitant les longues distances pour l’approvisionnement en hydrogène, on peut limiter les pertes à 2 kWh/kg. Compte tenu du rendement des électrolyseurs, il faut environ 110 000 TW/h par an.
Cette consommation représente pas moins que le production annuelle de 17 réacteurs nucléaires ou 5 600 km² d’éoliennes ou 1 100 km² de panneaux photovoltaïques…
Pour transférer l’intégralité du transport des marchandises par camions fonctionnant à l’hydrogène, il faudrait 30 fois plus d’électricité et donc de centrales nucléaires : plus de 500 réacteurs nucléaires, plus de 150 000 km² d’éoliennes ou 300 000 km² de panneaux solaires (la moitié de la surface de la France…)…
Et à propos des panneaux solaires, produits en Chine avec une électricité d’origine thermique en majorité, il faut attendre près de 30 ans de production pour compenser le premier gramme de CO² ! Or, la durée de vie d’un panneau solaire est inférieure à 30 ans…
Qui a dit « utopie » ?
Conclusion
Comment ne pas citer les paroles de Paul Lucchese, co-rédacteur de l’enthousiaste rapport de l’Agence Internationale pour l’énergie sur l’hydrogène et expert auprès du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui ne peut que déclarer :
« On va devoir doubler ou tripler la production d’hydrogène. Cela se traduit en terme d’électricité par un surcroit de capacité électrique mondiale que j’estime entre 20 et 30 % supplémentaires de ce qu’il faudra installer en capacités renouvelables, ce qui est considérable. On ne s’est pas posé la question de savoir comment on va fournir cette électricité, ce qui est un problème. »
Qu’ajouter?
A chacun de se faire sa propre réflexion…
Dominique BRESSONPhoto : Gilles VITRY
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