
Si les confédérés Helvétiques doivent se satisfaire de peu en matière de sports mécanisés, depuis l’entrée en vigueur d’une loi interdisant toutes épreuves sur circuit à la suite du drame survenu aux 24 Heures du MANS le 11 juin 1955 et qui avait causé dans le public la mort de 85 personnes, lors de l’accident de la MERCEDES du pilote Français Pierre LEVEGH, cela n’a pas empêché la Suisse, le pays aux 1.480 lacs, blotti entre les massifs du Jura et des Alpes, de s’être fait un nom en matière de sport automobile.
A l’époque grâce à son célèbre circuit de Bremgarten tracé dans les faubourg de la capitale Berne et incontournable depuis le début du Championnat du Monde de F1 en 1950 et qui n’a connu que de grands noms comme vainqueurs avec FARINA en 1950, FANGIO en 1951 et 1954, TARUFFI en 1952 et ASCARI en 1953 jusqu’à sa proscription en 1955.
Relevons toutefois qu’en 2018 et 2019, la Suisse a vu se disputer sur son territoire deux épreuves du Championnat du monde des monoplaces électriques de la Formule e, les GP de Zurich et de Berne et que depuis 1955 des Courses de Côte ainsi que des Rallyes étaient autorisés et enfin que depuis 2022, l’interdiction entrée en vigueur en 1955, a finalement enfin été levée.
N’empêche que malgré l’interdiction en vigueur durant 67 années, cela n’a pas empêché la Suisse d’avoir enrichi le sport automobile d’une bonne trentaine d’excellents pilotes, dont 22 au total ont participé à au moins un GP de F1 au cours de leurs carrières respectives.

Parmi les plus célèbres pilotes Helvétiques au palmarès le plus fourni, on retrouve Clay REGAZZONI, décédé en 2006, qui en 132 GP disputés, remporta 5 victoires et Jo SIFFERT, décédé en 1971, qui en 96 GP remporta lui 2 victoires.

Et auxquels on peut joindre Peter SAUBER qui en sa qualité de constructeur et propriétaire de l’écurie éponyme, est présent au plus haut niveau depuis pratiquement un demi-siècle en affichant 26 victoires en catégorie sport-protos, dont deux aux 24 Heures du MANS en 1989 et 1990.

Avec à la clé, deux titres mondiaux en endurance obtenus avec la paire que formait le Français Jean-Louis SCHLESER et l’Allemand Jochen MASS qui vient de nous quitter au printemps, le 4 MAI 2025.
en tant que bras armé de MERCEDES BENZ, avant de s’établir en catégorie reine sous SAUBER F1, depuis 1993 jusque fin de la saison en cours, où SAUBER changera définitivement de nom après avoir été repris par AUDI et présent en F1 depuis 33 ans, mais parfois sous différentes filiations.

Viennent ensuite le Bâle-Campagnard Marc SURER avec 81 GP disputés, le Vaudois Sébastien BUEMI avec 55 GP à son actif mais aussi quatre victoires aux 24 Heures du MANS, remportées en 2018-2019-2020 et 2023.
Sans oublier le Fribourgeois Toulo de GRAFFENRIED, décédé en 2007, avec 22 GP à son actif, mais tous les 4 sans être montés sur la plus haute marche d’un podium de GP.
Autre espoir Suisse victorieux au Mans à trois reprises en 2011, 2012 et 2014, Marcel FÄSSLER qui mis à part le DTM, le FIA GT, le GT ou l’IMSA n’a jamais trouvé la motivation nécessaire qui lui aurait permis d’ambitionner un volant en F1.
Des quatre, c’est incontestablement Marc SURER qui s’est mis le plus en évidence au cours d’une carrière, où dans toutes disciplines confondues, il faisait partie des meilleurs de sa génération cependant sans pouvoir concrétiser son talent à cause de matériel rarement adéquat, du moins au cours de sa carrière en F1.
Marc SURER s’est distingué en effet à maintes reprises par son côté ‘’touche-à-tout’’ en sport automobile, où il a débuté en 1973 par le Karting, suivi de Formules de promotion, telles la Formule Vee et Super Vee, la F3 allemande, italienne et européenne, avant de se diriger ensuite vers l’antichambre de la F1, la F2 à partir de 1977.
Année où il eut également la chance d’être inclus dans le programme promotionnel BMW JUNIOR Team mis sur pied chez le constructeur Bavarois par Jochen NEERPASCH

Cette opportunité aux côtés de l’américain Eddie CHEEVER et de l’allemand Manfred WINKELHOCK, lui permit non seulement d’enlever le titre de CHAMPION de F2 Européen en 1979 sur une MARCH 792-BMW et de participer avec l’équipe officielle BMW à des épreuves du Championnat du Monde des voitures de sport et au Championnat allemand DRM sur des BMW 320i.

Et si pour meubler ses week-ends libres il poursuivit en F2 à la Temporada Argentine ou au Championnat Japonais avant de découvrir le WSC (Championnat du Monde des Voitures de Sport) où lors des manches d’endurance étaient admises aussi les Tourisme du Groupe 1 & 2, ce dont il profita au volant d’une BMW 320.
Son titre de Champion d’Europe F2 en 1979 lui ouvrit une porte en F1 chez ENSIGN, où le fantasque Mo MUNN lui confia une MN 179 à triples radiateurs frontaux en forme d’étagères en remplacement du Français Patrick GAILLARD pour les trois derniers GP de la saison… sous forme de cadeau empoisonné avec deux non qualifications et un abandon !

L’année suivante son ‘shopping en F1, l’amena alors chez ATS, la petite équipe de Gunther SCHMIDT, pour 9 GP, échouant quelques fois à la porte des points malgré une saison écourtée par un accident sérieux survenu à KYALAMI aux essais du Grand Prix d’Afrique du sud d’où il s’en tira avec des blessures aux deux jambes et une longue convalescence.

Rétabli pour la saison 1981, il changera à nouveau d’écurie pour se retrouver à nouveau chez ENSIGN pour 7 GP avant d’émigrer chez THEODORE RACING pour 7 autres GP mais sans grand succès puisque sa récolte se résumera à 4 petits points au Championnat du monde.

Et les 6 manches en PROCAR sur des BMW M1 qu’il disputera en avant-première de certains GP, le consolèrent d’avantage que ses poussifs canassons dont il disposait en F1.
En 1982, nouveau changement d’écurie qui le verra passer chez ARROWS pour trois saisons et où durant les deux premières, il se mettra quelques fois positivement en évidence lors de certains GP, de sorte que même la Scuderia s’intéressa à lui pour remplacer Gilles VILLENEUVE, disparu tragiquement le 8 mai au GP de Belgique à Zolder…

Opportunité qui ne pourra cependant pas se concrétiser suite à son contrat bétonné en vigueur chez ARROWS et valable jusque fin 1984 et dont il fut tout heureux de pouvoir s’en débarrasser après une dernière saison en F1 cette année6là sur des ARROWS A6 et A7, à classer au rayon de rebut suite aux médiocres résultats obtenus avec … dix abandons, une non-qualification et seulement cinq arrivées avec comme meilleur résultat une 6ème place au GP d’Autriche.

Sans volant en F1 à l’aube de 1985, il décida de se tourner vers le Championnat du Monde des Voitures de Sport (WSC), et avec succès, puisqu’il remporta les 1000 Km de MONZA sur une PORSCHE 962, suivi d’une autre belle victoire en Championnat Européen d’Endurance pour Voitures de Tourisme (ETCC) aux 24 Heures de SPA sur une BMW 635 CSI.
De quoi largement compenser sa désillusion en F1, discipline reine qui à la mi-saison lui offrira une nouvelle opportunité en l’invitant à la demande de Bernie ECCLESTONE de rejoindre les rangs de l’Ecurie MOTOR RACING DEVELOPMENTS – auparavant plus connu sous le nom de BRABHAM – qui lui appartenait et qui engageait les vestiges de la défunte structure BRABHAM, les BT54 motorisées par le propulseur BMW Turbo L4.
Une motorisation très familière pour le nouveau venu SURER en remplacement du jeune Français François HESNAULT qui après le GP d’Allemagne de cette même année préféra se retirer de la F1 pour se consacrer plutôt à des tâches familiales dans le secteur industriel.

Ce passage chez BRABHAM fut synonyme pour lui d’apogée en F1, où il eut l’occasion aux côtés de Nelson PIQUET de prouver tout son talent au cours des 12 GP qu’il y disputera avec deux sixièmes rangs en Angleterre et Autriche, un 4ème rang en Italie et avoir manqué de peu des podiums au GP d’Europe et d’Australie suite à des incidents mécaniques alors qu’il occupait les 2ème et 3ème places.
Malheureusement pour lui l’intermède BRABHAM se résuma à un intérim si bien qu’en 1986, la seule opportunité en catégorie reine qui s’offrit à lui fut de faire un flashback chez ARROWS, aux côtés de Thierry BOUTSEN au volant d’une A8 dessinée par Dave WASS et toujours motorisée par BMW qui le parrainait depuis un long moment déjà mais sans améliorations notoires par rapport à ce qu’il avait déjà connu auparavant au sein de l’écurie dirigée par Jackie OLIVER et Tony SOUTHGATE.
Après un début de saison désastreux il jeta l’éponge après le GP de Belgique où il avait terminé 9ème à deux tours pour se relancer ensuite en Rallye où il avait acquis de l’expérience dès 1983 et 1984 sur une TALBOT et aussi une RENAULT R5 Turbo avec son équipier Suisse Michel WYDER.
Puis survint ce tragique week-end de fin mai, début juin au Rallye de Hesse comptant pour le Championnat d’Allemagne et où engagé au volant d’une FORD RS 200 TURBO et en lutte pour la victoire avec Michèle MOUTON, il fut victime d’un accident gravissime qui coûta la vie à son co-pilote Michel WYDER, alors que lui s’en sorti miraculeusement vivant mais avec de graves brûlures qui signifièrent pour lui sa fin de carrière !
Pour celui qui était inscrit dans une carrière dans le temps débutée fin des années 60’, il voyait celle-ci malheureusement se terminer de façon tout à fait brutale, inattendue et dramatique alors qu’il avait encore pas mal de projets entre-autre en endurance.
Jusqu’à ce jour, il est toujours resté fidèle au sport qui lui a donné l’occasion de se faire connaître dans la majorité des disciplines, ou en revêtant après sa carrière sportive le costume de Directeur des programmes chez BMW en DTM, chef instructeur auprès du Touring Club Suisse (TCS) ou commentateur et consultant unanimement reconnu et apprécié pour les chaînes TV Suisses (SRF) et SKY.
Et ce 19 septembre, cet éternel ‘pince sans rire, malgré tous les coups durs auxquels il a dû faire face au cours de son existence, affichera 74 ans au compteur !
Manfred GIET
Photos : PUBLIRACING