
Miroir, miroir suis-je toujours la plus belle ?

Non Majesté « Villa d’Este », il y a désormais « Fuori Concorso » à deux kilomètres et sa jeunesse, sa fraicheur, son enthousiasme ne souffrent pas la comparaison… L’un des deux plus beaux au monde.
Un lieu extraordinaire (le Palace Villa d’Este symbolise élégance et excellence), une organisation au cordeau et les moyens du constructeur BMW…
Mais…
L’évènementiel est une discipline cruelle, où l’on est condamné à faire mieux chaque année, simplement pour se maintenir au même niveau.
Alors quand BMW décide ostensiblement de réduire la voilure (fini la flotte pléthorique de séries 7, séries X et autres Rolls pour propriétaires et media, fini la moto ce qui en faisait aussi une singularité dans le monde des concours, fini le gros soutien financier du groupe BMW qui utilisait (avec talent) ce Concours pour promouvoir les nouveautés 5, 6, 7, 8, X, Mini et BMW et, cette année, ne présentait que séries 1 et 2 et une malheureuse Rolls qui devait regarder du côté des automobiles du Concours pour ne pas se sentir trop esseulée question luxe.
Quel que soit le talent d’Helmut Käs, il ne peut compenser la baisse de moyens décidée par BMW. Il a intelligence, culture automobile et bonne volonté mais lorsque cette baisse de moyens se conjugue avec la montée d’autres concours, tels qu’Oberoi, Salon Privé, Hampton Court, cela se voit.

Mais pire, lorsque la comparaison se fait … à 2 kms avec ‘Fuori Concorso, hyper-talentueux nouvel arrivant, celle-ci, n’en est que plus cruelle…
Alors oui, le lieu est et restera toujours magnifique, Villa d’Este est et restera l’un des plus beaux Palaces au Monde mais cela ne suffit plus…
Un Concours est fait pour promouvoir l’excellence, si la rentabilité est au rendez-vous tant mieux, mais celle-ci est plus qu’aléatoire.
Un Concours demande aussi un panel de partenaires du plus haut niveau et là, il en manque, BMW s’est trop reposé sur le succès passé.
Tout comme on ne va pas chez Bocuse pour un cheeseburger et du coca, on ne va pas à Villa d’Este pour les séries 1 et 2.…

Si l’on ne veut plus assurer la promotion des séries 7 et 8 ainsi que des Rolls, ce n’est pas un crime, mais dans ce cas pas besoin de Villa d’Este pour pousser les modèles d’accès à BMW…
Rester au sommet est dur et ne peut se faire qu’avec de gros moyens, alors quand on est challengé par une concurrence dynamique et ayant du goût, je suis désolé mais le déclin n’en est que plus visible.
Chercher à rentabiliser l’évènement est une erreur qui laisse un sentiment de déception, voire de mesquinerie pour un constructeur « passion » tel que BMW.
Ce n’est pas ce que l’on attend de lui.
Fragilité du succès ?

Celui-ci est éphémère et ne dure qu’au prix d’un travail constant. Dans un précédent article de 2019, nous évoquions le succès de BMW avec Villa d’Este, alors que s’est-il passé entretemps ?
Entretemps il y eut le Dieselgate : un coupable : tous punis !
Les autorités de Bruxelles ont transformé la législation en punition et changé les règles du jeu en laissant les constructeurs et les industriels dans le brouillard (ce qu’ils détestent le plus) en les menant à deux doigts de la faillite.
BMW, qui était l’un des meilleurs motoristes, s’est vu poussé à devenir un constructeur de voitures électriques…
Quand le politique s’improvise scientifique et législateur : tous aux abris !
La « réorientation stratégique et financière » (terme pudique pour dire « on coupe les budgets ») de BMW envers Villa d’Este y trouve ses racines.
Alors ne soyons pas « que » négatifs, le lieu est toujours sublime, les 60 autos en compétition sont toujours l’élite, les juges sont toujours sélectionnés avec soin et non pas par copinage consanguin, le speaker Simon Kidston est toujours un monument d’érudition et de classe.
Les milliers de car-spotters entre Cernubbio et Côme confirment que l’Automobile fait rêver plus que jamais, n’en déplaise aux technos de Bruxelles…
Quid de Blanche Neige ?

Alors à 2 kms de Villa d’Este, on assiste depuis 4 ans à la montée de ‘Fuori Concorso.
C’est mon fils de 17 ans, qui m’a alerté sur la progression exponentielle de cet évènement et je dois dire qu’il a eu raison !
‘Fuori Concorso est l’œuvre de Guglielmo Miani, c’est à dessein que j’utilise le mot « œuvre » que l’on emploie le plus souvent pour les réalisations majeures ou artistiques.
Dans le cas présent, les deux se conjuguent, chapeau l’Artiste !
Quand on connait la difficulté de l’évènementiel automobile, avoir réalisé une telle œuvre en 6 ans mérite respect et encouragements. Ce ne sont pas 1, 2 ou 3 constructeurs qui exposaient aux Villa del Grumello et Villa Sucota, mais une bonne quinzaine dans le cadre d’un hommage à ce que l’automobile Italienne produit ou a produit de mieux.

C’est simple, d’Abarth, d’Alfa Roméo à Pagani, en passant par Ferrari, Fiat, Kimera, Lamborghini, Lancia et Maserati, tous étaient présents !
Quelques constructeurs allemands étaient aussi de la fête, parmi lesquels Apollo, Gemballa, Mercedes, Porsche ainsi que Koenigsegg et VanWall pour l’exotisme.
La moto n’étant représentée que par une MV Agusta en avant-garde, en attendant Aprillia, Cagiva Ducati, Guzzi, Morini et autres mastodontes pour le gros des troupes.
La mise en valeur était soignée avec une partie F1 calquée sur une ligne de départ, une partie « Rallye » où les Lancia étaient particulièrement mises en valeur ainsi qu’une section Endurance avec notamment la présence des dernières Ferrari victorieuse des 24 heures Mans.


Un sacré spectacle. Spectacle qui n’a pas laissé insensibles les jeunes générations : la jeunesse des spectateurs est tout aussi flagrante que l’enthousiasme.
L’organisateur a eu l’excellente idée de faire un tarif d’entrée très accessible pour les moins de 20 ans et même gratuit pour les moins de 17 ans.
C’est dynamique, c’est habile et surtout cela montre que Le promoteur de l’événement souhaite voir se transmettre la passion auto chez les jeunes générations.
Qu’il soit fier de lui : l’objectif est atteint et le niveau de connaissances des « jeunes » est impressionnant quand on tend l’oreille autour des supercars /hypercars.
Ce Fuori Concorso a atteint un niveau de maturité et de qualité impressionnants mais surtout, cette qualité peut permettre à l’organisateur de viser des sommets.
La marge de développement existe entre Bertone , Dallara, Pininfarina et des constructeurs de supercars hypercars de toute la planète sans compter toute la moto…

Alors demain ? Blanche Neige ou la Reine ?

Prenons Pebble Beach comme référence. La réponse est simple : la qualité a créé un biotope unique. Durant une semaine évènements d’exception et ventes aux enchères se succèdent non-stop, pour ce qui est désormais la Monterey Car Week.
Le schéma existe, il est simple à dupliquer. Villa d’Este c’est un nom et une référence, c’est aussi l’un des plus beaux palaces du monde.
Le Concours de Villa d’Este est et reste une référence. Si l’on peut faire une humble suggestion à BMW, c’est de redoubler d’énergie et de moyens et lorsque j’ écris « moyens » je pense aux partenaires. HAGERTY BORAD ARROW vont dans la bonne direction.
Un Empire tel que LVMH a prouvé via le Championnat de F1 et Goodwood que l’Automobile passion pouvait être au cœur de sa stratégie de développement.
Pour un constructeur, trouver des partenaires ne fait pas obligatoirement partie de son quotidien mais la pérennité et la réussite de son événement sont à ce prix, le plus dur a été fait et Helmut Kas a prouvé qu’il avait talent et passion…

Quand a Blanche Neige Fuori Concorso, l’évènement est né sous une bonne étoile. Le chemin accompli en 6 ans est simplement impressionnant.
Tous les ingrédients sont désormais réunis pour qu’une « Como Car Week » devienne incontournable au même titre qu’une Monterey CarWeek, un Goodwood ou un Mans Classic…
L’Automobile n’a pas fini de nous émerveiller et c’est tant mieux.
Patrick HORNSTEIN
Photos : Jean HORNSTEIN