Quatrième jour de course du Rallye du Maroc.
Victoires d’étape de Terranova (Toyota) en auto, de De Rooy (Iveco) en camion, de Rodrigues (Yamaha) à moto.
Au général, Ten Brinke (Mitsubishi) est toujours leader des autos, De Rooy en camion, et Rodrigues reprend son bien dans la catégorie des motards. Mais alors que les derniers concurrents de la spéciale du jour arrivaient au bout, c’est un autre évènement qui fuse parmi les photographes qui couvrent la course.
C’est qu’en Libye, il se passe quelque chose d’assez définitif…
LE GARAGE DE LA PAIX
Station ZIZ de M’Hamid au sud de Zagora, nous venons regonfler nos pneus, c’est plus facile qu’avec notre compresseur de poche. Notre Toyota est préparé par La Compagnie Saharienne, c’est tellement parfait que rien ne manque à bord. Mais on gagnera du temps à gonfler ici , nous venons de faire une étape de sable et il eût été aussi suicidaire d’attaquer les dunes pneus gonflés que de reprendre la route pneus à plat. Le pompiste nous fait un signe connu dans le monde entier, le pouce levé balayant sous la gorge. Dans les sports mécaniques, il signifie “on coupe le moteur”. Je doute que cela soit l’explication. Le jeune garçon nous invite à regarder la TV dans son petit bureau. On ne parle ni l’arabe, ni le berbère mais l’image fixe à gauche de l’écran, est le visage de l’homme qui a défié le monde entier et devient aujourd’hui un triste cadavre. “C’est fini la guerre” me dit le jeune garagiste. C’est clair que ce jeudi soir, on parlera de cela partout, au Maroc ou ailleurs. D’ailleurs, Gilles Gaignault qui se trouve lui plus au nord, à Ouarzazate, ne découvre que des Marocains agglutinés devant tous les postes de TV, installés aux portes des terrasses des cafés, bars et restaurants, médusés mais visiblement ravis de la scène pourtant atroce d’un Kadhafi, lynché par la foule! Ce qui rejoindra peut-être ces quelques évènements planétaires dont chacun se rappelle où il était quand il l’a appris. L’homme sur la lune en 1969, le 11 septembre en 2001, l’élection d’Obama… 1er Président Américain noir et peut-être un jour la mort de Khadafi. Un 20 octobre. Retour au Rallye…“J’AI PERDU MA VIRGINITÉ” DIT CHARLY…
Nous l’avons présenté hier soir, Charly Gotlib, est l’arme secrète d’Elisabete Jacinto, qui pilote son camion Man avec maestria.
Charly est son navigateur.
Un des meilleurs au monde avec Gilles Picard, dont j’ai également parlé hier.
Il a passé une mauvaise journée Charly.
“J’ai raté un Waypoint pour la première fois de ma carrière “ dit-il“.
“Vers le km 180, après les dunes, on doit être 80% du rallye à l’avoir raté mais cela ne me console pas. Les traces partaient toutes à droite et on a suivi. Je m’aperçois en suite que je n’ai pas ce CP, je l’ai cherché sur vingt kilomètres, je ne savais pas où chercher, à gauche, à droite. Le piège infernal, la hantise du navigateur. Puis j’ai décidé de prendre la pena, ça coûtait moins cher”.
[caption id="attachment_27712" align="aligncenter" width="600" caption="De gauche à droite, Charly Gotlib, Elisabete Jacinto, Marco Cochinho"]
La “pena” c’est la pénalité. Trente minutes…
Et le calvaire de Charly, n’est pas fini.
Le superbe Man s’est planté, une fois, et a déjanté, une fois.
Déjanté parce que sur un camion de dix tonnes comme sur une Panda 4X4, dans le sable, il faut dégonfler.
Le bilan est aussi lourd qu’un poids du même nom…
Une heure cinquante de retard sur le leader du classement autos-camions. Mais en camion, qui mène?
C’est… assez surnaturel!
[caption id="attachment_27694" align="aligncenter" width="600" caption="MA POMME,BIASION MON HÉROS,ARNAUD MON COMPLICE"]
Ce matin, sur la ligne de départ, j’avais trouvé Gilles Picard en conversation avec Miki Biasion.
On rappelle que le double Champion du monde de rallye pilote aujourd’hui un camion Iveco du Team De Rooy.
“Si fa di battere il padrone?” cela se fait de taper le patron?
Non répond Miki. Et, en Français, en homme élégant qu’il est.
Démonstration… sur la ligne d’arrivée deux cents kilomètres plus loin… Biasion arrive sagement deux minutes derrière son patron…
Sagement est un mot stupide d’ailleurs, une lutte entre camions de course, c’est un peu comme une charge du pack des All Blacks, sur un cours de gymnastique rythmique pour jeunes filles fluettes de bonne famille!
Donc, après une sorte de guerre atomique à la puissance dix, Gérard De Rooy est leader des camions au général, et cinquième au classement combiné autos-camions.
Biasion est six.
C’est sûr qu’un tsunami, ça balaie!
Gerard De Rooy : « Hier nous avions testé des suspensions plus dures et ce fut une erreur. Aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre et nous avons pu maintenir un excellent rythme tout au long de la spéciale. Dans les dunes, nous avons levé un peu la cadence car les températures moteur et de boîte montaient dangereusement. Mais depuis le début de ce Rallye OiLibya du Maroc tout se déroule parfaitement pour notre nouveau camion… »LE HOLLANDAIS SABLE LE CHAMPAGNE…
Formidable équipage!
Sur le Mitsubishi Wevers 305, un navigateur surdoué et sur expérimenté, Matthieu Baumel.
Et un pilote en formation tout-terrain, issu du rallye, le Hollandais Bernhard Ten Brinke. Hier, Baumel nous avait dit que son pilote était venu ici en stage de sable, en vue du Dakar.
A l’arrivée, Matthieu nous explique qu’il marche super bien, juste une petite occasion de se faire peur.
Au bas d’une dune un peu raide, Ten Brinke y croit trop peu, et la voiture se plante… sur le nez, sur la calandre… dans ces cas-là, deux possibilités.
On retombe sur les roues ou… “on met la cabane sur le chien” quand l’arrière passe par-dessus l’avant.
Le destin est généreux avec les élèves doués…
Matthieu a eu le temps de dire au pilote que dans ces cas-là, dans la descente, faut mettre du gaz…
Ils ne font pas le meilleur temps de la spéciale, qui est pour le Toyata des Espagnols Terranova-Cruz, mais ils aborderont l’étape suivante, celle de vendredi, avec une petite heure d’avance au général.
Bernhard Ten Brinke (Mitsubishi Racing Lancer) : « Encore une super étape pour nous. Hormis un ensablement qui nous coute une vingtaine de minutes, nous nous en sortons encore très bien. Pour moi, l’essentiel maintenant est de gérer cette fin de rallye pour cueillir une victoire complètement inespérée, samedi à Zagora. Et dire que j’étais venu ici pour découvrir ma voiture et le désert… »En revanche, l’équipage Garafulic-Picard, présenté dans autonewsinfo hier, dernière chance d’un Team Mini-BMW en déroute, n’a pas pu aller chercher la tête de la course ni même garder sa place au général…
Il se trouve que là aussi nous sommes avec un duo navigateur français, ultra doué, pilote amateur fortuné mais à bord de la BMW petit problème…
Ci-dessous.
La voiture s’est couchée sur le côté. Et est bien repartie avec du retard mais sans sa portière…
Et se retrouve quatrième au classement général mais avec une heure et demi de retard sur le leader.
Clairement, l’équipage n’a pas démérité.
Côté BMW et Mini en revanche, ça va être compliqué, à deux mois du Dakar!
Encore une belle image ci-dessous, pour saluer la belle performance de l’Espagnol Terranova. Meilleure spéciale aujourd’hui. Ce qui rattrape bien, le demi tonneau du premier jour!
Orlando Terranova : « C’était un peu compliqué au début dans la poussière des autres voitures. Ensuite, dans les dunes tout était parfait. La voiture se comporte vraiment à merveille et le moteur Toyota est plein de ressources. Nous avons perdu 5 à 6 minutes sur un petit plantage dans la dernière dune, mais vraiment rien de grave… »
LA REVANCHE DE MAGELLAN
Dire que ce garnement espagnol de Barreda a tourné autour des Champions du Monde de Rallye-Raid, à l’occasion des étapes de caillasse en montagne!
Chegaga… c’est complètement fou !
Aujourd’hui, sur un terrain légitime de Champion, la légitimité a repris ses droits. Il y avait de la navigation à faire, alors les Portugais ont repris le dessus!
Il faut dire que, depuis Magellan, Fernao de Magalhaes en portugais dans le texte, les lusitaniens se sont fait une spécialité de la nav. Un portugais c’est navigateur comme un Français est boulanger dans l’âme, un Allemand écrit des symphonies, un Italien peint les femmes de ses clients, un Hollandais trace des canaux…
Alors, en ce jeudi d’océan de sable, Helder Rodrigues le navigateur a honoré ses ancêtres, en gagnant la spéciale et s’empare de la tête au classement général. Au général d’ailleurs, c’est un autre Portugais, Gonçalves, qui est second…
Magellan a pris sa revanche, ces insolents d’Espagnols ont été remis à leur place!
Helder Rodrigues raconte : «C’était une étape difficile, je savais donc qu’en attaquant du début à la fin, j’aurais une chance de refaire le retard concédé hier. J’ai réussi à rester très concentré sans commettre de faute et cela a payé. Il faudra encore attaquer sur les deux derniers jours, si je veux l’emporter ici…»Motos : Rodrigues se rebiffe
Car avec cinq pilotes en moins de 9 minutes, le sacre risque de se jouer sur des détails. C’est ce qu’ont très bien compris Jakub Przygonski (KTM 450 n°2) et Frans Verhoeven (Sherco 450 n°4), les deux pilotes les plus réguliers depuis le début de ce rallye. Jamais gagnants, mais toujours placés, l’espoir Polonais (2e aujourd’hui et 3e au général à 1’30) et l’expérimenté Néerlandais (5e du jour et 4e du général à 8’08) s’incrustent aux avants postes au classement général en regardant leurs adversaires enchaîner les résultats en dents de scie. Pal Anders Ullevalseter : «Pour moi, le plus important est de retrouver le rythme qui devra être le mien lors du Dakar. Il y a sept, voire huit pilotes plus rapides que moi. Je dois donc être régulier si je veux figurer en bonne place au classement final… » Frans Verhoeven : «Je suis parti derrière Marc aujourd’hui. Le but était de ne pas perdre trop de temps sur lui. Lorsque Ullevalseter est revenu sur moi, j’ai élevé le rythme pour lui reprendre une bonne minute. L’étape de demain, plus technique, devrait mieux me convenir, moi qui vient du trial… » Ce fut encore le cas aujourd’hui pour Helder Rodrigues (Yamaha 450 n°1), parti très loin après ses ennuis de navigation hier. Le Champion du Monde 2011 met tout le monde d’accord et reprend la tête du général pour… 27 secondes, devant le Portugais Paulo Gonçalves (Husqvarna 450 n°10). Voilà qui promet un beau sprint final, auquel le Norvégien Ullevalseter (KTM 450 n°5) s’invite également avec une 3e place à l’étape et un top 5 au général à 8’29 de Rodrigues.
Vendredi, le Rallye du Maroc remonte sur Ouarzazate, pour une spéciale de 208 km, à la conquête du Djebel Sarho.
De la montagne mais une petite dune pour se mettre en jambes…
On verra bien!